« Je n’ai pas de nom », la pièce de théâtre de Soumette Ahmed, qui a reçu de nombreuses récompenses, a été jouée le 9 juin sur la scène de l’Alliance française de Moroni dans une nuit scintillée d’applaudissements pour clôturer le joli mois de l’Europe.
Par Houdheïf Mdziani
Après avoir reçu le prix du meilleur comédien du Grand Prix Afrique Théâtre Francophone (2014), le Prix Bernard Giraudeau (2015), le Prix Passe-Portes (2015) et récemment récompensé au Maroc en remportant le premier prix pour la Meilleure Création dans le Festival du Théâtre Africain de Rabat, Soumette Ahmed a atterri aux Comores pour peaufiner sa prestation et redonner une vie à la poésie de Christophe Tarkos avec un texte baigné d’un lyrisme poétique, dont la langue sublime et dévastatrice, traverse l’imagination pour narrer la vie d’un homme sans nom, sans identité.
En nous embarquant dans une aventure comique, aux tournures phrastiques enivrantes, pleine de quiproquos, de danses et de monologues dans lesquels les mots sont rythmés par des éclats des rires, emmêlés d’émotions et projetés vers les spectateurs. Le comédien, d’une sensibilité infinie, entendait exprimer, sans que ce soit aux dépens des lecteurs, la vie d’un personnage qui refuse de respecter les normes d’une vie ordinaire. Sans une identité, l’on peut passionnément vivre au-delà de l’obsession envahissante d’un prénom nous permettant de nous distinguer des autres. Un prénom qui sans cesse nous ramène vers nos origines, alors qu’en réalité, ce qui compte chez l’être humain, c’est la profondeur de son âme, l’expression de son visage qu’on doit regarder, admirer et aimer dans sa singularité.
« Je n’ai pas de nom »est un spectacle aux allures de valse folle, qui esthétise l’identité humaine, pour qu’elle ne soit pas vaine, en le faisant basculer vers des questionnements de la vie. Avec sa prose poétique sensationnelle et bouleversante, cette pièce de théâtre nous a montré les facettes de l’existentialisme humain : est-il fou celui qui n’a pas de prénom ou sont tous fous ceux qui se targuent d’en avoir un ? Le personnage a donc dû inventer sa vie, dans un monde qui peine à saisir la réalité.
Cet itinéraire théâtral, simple et exigeant, d’une ardeur magnifique de mise en scène, est sublimé par un fond de scène de clair-obscur, d’ombre et de lumière jaillissante pour nous embarquer dans l’univers mystique du personnage. Interrogé sur sa genèse, le dramaturge a tenu à préciser : « C’est une pièce que j’ai écrite par la magie de l’aventure, de la passion et de la détermination. J’ai dû lire, ressembler puis confectionner des textes de Christophe Tarkos, pour rajouter ma touche artistique et créer ce spectacle. »
Créé à Moroni en mars 2014 à l’occasion de la célébration de la semaine de la Francophonie, la pièce de théâtre ne cesse d’évoluer, voyager, rencontrer un succès et de rassembler des spectateurs saisis et admiratifs du talent de l’artiste. À l’entendre, il compte ramener ce spectacle encore plus loin, au-delà des frontières de l’Océan Indien et de l’Afrique pour honorer le théâtre comorien.