Le verdict du procès sur le programme de la citoyenneté économique a été prononcé par le juge Omar avec un jour d’avance, le lundi 28 novembre, expédié en quelques minutes pour les 11 prévenus. Comme on s’y attendait, Mohamed Sambi a été lourdement condamné, mais il a été également privé de ses droits civiques.
Par Mib
Les verdicts du procès sur le programme de la citoyenneté économique sont tombés. Sans surprise. Le juge Omar semblait avoir d’autres chats à fouetter ce lundi. Il mangeait les mots et il était nécessaire de le réécouter pour comprendre complètement ce qu’il lisait. Le verdict a été avancé d’une journée et la capitale, Moroni, a été quadrillée dès le matin, pour éviter des mouvements de foule.
Sambi privé de ses droits civiques et politiques
Le principal accusé de ce qu’on peut désormais appeler une mascarade de procès, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi a été condamné à une peine de prison à perpétuité avec « confiscation de ses biens et immeubles » et surtout la perte de ses droits civiques. Il n’a jamais échappé à l’esprit de chacun que l’objectif premier de ce procès était d’éliminer l’opposant le plus sérieux d’Azali Assoumani de la scène politique. Le gouvernement ne pouvait donc pas se contenter d’un jugement pour corruption, il fallait la haute trahison, qui n’existe pas en droit comorien et il fallait lui enlever ses droits de citoyens, droit d’éligibilité et droit de vote comme l’a précisé l’incroyable juge Omar. L’ex-président est donc de nouveau enfermé dès le deuxième jour de son procès et n’a le droit qu’à la visite de son fils. Même ses avocats ne peuvent pas le voir.
Mohamed Ali Soilihi (Mamadou) dont le pouvoir en place s’est arrangé pour le faire quitter le pays quelques semaines avant le début du procès écope quant à lui de 20 ans de prison ferme avec la « confiscation de ses biens et avoirs ». Interrogé après cette condamnation par RFI à Paris où il reçoit des soins, il a dit éprouver une certaine honte qu’une telle mascarade de procès a pu se dérouler dans son pays et a affirmé qu’il n’y retournera pas pour effectuer sa peine, alors que le juge Omar a annoncé, sans grande conviction, que des mandats d’arrêt internationaux seront lancés contre tous les absents.
Des mandats d’arrêt internationaux
Le juge Omar et ses quatre assesseurs ont infligé à Bachar Kiwan et aux autres entrepreneurs arabes impliqués dans cette affaire 10 ans de prison, la confiscation de leurs « biens immobiliers » et une amende de 2 millions de francs comoriens à chacun. L’homme d’affaires qui ne comparaissait pas, et qui est recherché par la Justice comorienne avec un mandat d’arrêt international avait reçu à Paris, pendant le procès, le ministre de la Justice, Djaé Ahamada Chanfi et le ministre des Affaires étrangères Dhoihir Dhoulkamal. Une plainte est déposée à Paris à leur encontre pour tentative de subornation de témoin.
Les diplomates comoriens et assimilés Abdillah Saïd, Zoubert Ahmed Soufiane et Anbdou Satar Mohamed Sambi (agent des Renseignements qui était installé à l’Ambassade des Comores à Paris et neveu de l’ex-président et non son fils, comme nous l’écrivions dans les éditions précédentes), tous trois en fuite, sont condamnés à 9 ans de prison et à la confiscation de leurs biens. L’ancien Vice-Président Mhoumadi Sidi a écopé de la même peine pour avoir fait voter la loi controversée ayant permis d’établir le commerce de passeport et de cartes d’identité, sans que les autres députés qui ont voté la loi et qui ont bénéficié de certaines largesses de la part de Bachar Kiwan ne soient inquiétés.
Clémence pour Dossar et Nourdine Bourhane
Mohamed Bacar Dossar et Nourdine Bourhane sont quant à eux condamnés à 24 mois de prison avec sursis. La stratégie de Mohamed Dossar, ancien Directeur de cabinet puis ministre des Finances, a fonctionné et lui évite de connaître la prison. L’homme puissant du régime Sambi, cousin de ce dernier, avait perdu au procès toute l’arrogance qu’on lui connaissait à l’époque. Ses avocats ont même fait valoir le fait que depuis qu’il est accusé, il est resté silencieux et n’a jamais parlé aux médias. Pendant le procès, il s’est fait tout petit et ayant compris que dans tous les cas Mohamed Sambi allait être lourdement condamné, il s’est désolidarisé du gouvernement et même de l’ex-président en déclarant qu’il a signé un document en arabe sans le comprendre et sous les ordres de ce dernier. Et donc, le juge Omar lui a pardonné, vu qu’il avait reçu un ordre de son supérieur. Une nouvelle jurisprudence qui pourrait servir dans l’avenir à beaucoup de gens.
Une instruction et des débats pauvres
Au total sur les 12 personnes renvoyées devant la Cour de Sûreté de l’État, on peut constater que le gouvernement, malgré des mandats d’arrêt internationaux, n’a réussi à amener devant la Cour de Sûreté de l’État que Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, Nourdine Bourhane et Bacar Dossar, soit trois personnes. Sur les neuf restants, deux ont été envoyés en France pour des soins (Mohamed Ali Soilihi et Mhoumadi Sidi) quelques semaines avant le procès. Un privilège qui n’a pas été accordé à Sambi dont l’ordonnance prise par un juge lui permettant d’aller se soigner a été tout simplement déchirée par le gouvernement.
Sept autres accusés (les investisseurs arabes et les diplomates comoriens) sont en fuite dans les Émirats ou en France. Ils n’ont jamais été entendus, y compris en utilisant les accords de coopération judiciaire ou les commissions rogatoires. C’est comme si leurs fuites arrangeaient le gouvernement et les juges. C’est d’ailleurs ce qu’ils auraient préféré que Mohamed Sambi fasse. Ils espéraient avoir envoyé suffisamment de signes et de menaces pour ne pas qu’il revienne au pays et quand il a débarqué à Hahaya, ce fut la panique, le gouvernement ne savait plus quoi faire.
Au final, n’ayant pas pu interroger tous ces accusés, les différents juges d’instruction et le juge Omar se sont contentés des conclusions du rapport du député Dhoulkamal, qui n’a jamais été validé ni par les autres députés formant la commission d’enquête ni par l’Assemblée de l’Union.
Des parties civiles reconnues comme illégales
Dans ce verdict, le même juge Omar, qui a autorisé les parties civiles dirigées par Me Sossah à plaider et ainsi à influer sur le jugement final, a reconnu que la loi sur la Cour de Sûreté de l’État ne permettait pas la constitution de parties civiles. Est-ce qu’il n’avait pas connaissance de la loi concernant le Tribunal qu’il devait présider ? Et Me Sossah, qui fanfaronnait dans ce procès en justifiant des erreurs judiciaires, n’avait-il pas pris la peine de consulter cette loi avant ? Est-ce que le fait d’avoir laissé trois avocats des parties civiles participer aux débats cela ne fausse pas le jugement final et n’annule pas le verdict ? Sans doute dans un pays démocratique, mais aujourd’hui le pouvoir législatif est logé à Beit-Salam et les peines étaient bien fixées avant même le procès. Les juges et les parties civiles n’avaient nullement besoin de travailler leur dossier puisque tout était fixé d’avance. Le juge Omar et le commissaire du gouvernement n’étaient que des acteurs qui jouaient le rôle que le gouvernement leur avait assigné. Des acteurs qui ont été parfois amusants, malgré la gravité des peines encourues.