Abdelaziz Riziki Mohamed, l’auteur principal du site « Le Mohelien » vient de rééditer aux éditions de L’Harmattan un de ses livres emblématiques, La diplomatie en terre d’Islam. Il en parle à Masiwa et on découvre un homme amoureux.
Propos recueillis par Abdourahim Bacari
Masiwa -Abdelaziz Riziki Mohamed, vous êtes l’auteur de douze ouvrages, pour quelles raisons venez-vous de rééditer le deuxième, La diplomatie en terre d’Islam, ouvrage publié pour la première fois en 2005 ?
Abdelaziz Riziki Mohamed – Cette réédition s’imposait, ne serait-ce que parce que, en 2005, le Directeur de collection m’avait demandé de réduire l’ouvrage de moitié. J’ai toujours vécu très mal cette mutilation. En plus, le sujet abordé est très passionnant et avait donné naissance à une Thèse très savante. Il fallait rendre à ce travail ses feuilles sublimes mutilées, tout comme il fallait actualiser et mettre à jour cette grande masse de connaissances s’étalant sur 14 siècles.
Masiwa -En quoi la diplomatie née de l’Islam se distingue-t-elle de celle qui est pratiquée par les pays de tradition chrétienne ?
ARM – La diplomatie née de l’Islam était conduite selon les règles de cette religion et se focalisait dans ses objectifs sur les intérêts de celle-ci, donc sur son expansion dans le temps et dans l’espace. C’était une diplomatie de l’éthique et de l’esthétique, en tout. Depuis 661, suite à l’avènement des Omeyades, cette diplomatie est gagnée par une sécularisation qui la rapproche des autres diplomaties.
Masiwa -Quels sont les fondements de la diplomatie en terre d’Islam ?
ARM – Ses fondements sont le Coran et la Sounna (pratique du Prophète), la pratique des quatre premiers Khalifes, « les Khalifes bien guidés », et les écrits des auteurs classiques de l’Islam. Ces principes sont écartés par les chefs musulmans au fil des années et des siècles.
Masiwa -Quelles sont les difficultés à mener des recherches comme celle-là dans le monde arabo-musulman ?
ARM – J’ai travaillé sur la Thèse qui a donné naissance au livre de mars 1995 à septembre 2003. J’avais une bourse marocaine de 75 euros par mois, survivant avec ma famille. Heureusement, j’avais l’accès le plus libre à la Bibliothèque générale et à la Bibliothèque de la Faculté de Droit de Rabat. L’Ambassade du Pakistan à Rabat avait commandé pour moi à Islamabad un livre merveilleux, celui d’Iqbal Afzal, et un ami pakistanais m’avait offert des livres d’une grande valeur scientifique.
Masiwa -Quel résumé pouvez-vous présenter de ce livre de 608 pages ?
ARM – Ce livre avait été une Thèse de Doctorat d’État en Science politique que j’avais soutenue à l’Université Mohammed V de Rabat, au Maroc, le 27 septembre 2003. On y retrouve trois Parties, chacune comportant deux Chapitres : Première Partie : Une diplomatie complètement dominée par l’Islam (VIIe siècle). Deuxième Partie : Une diplomatie dépouillée de son caractère totalement islamique (du VIIe siècle au XIXe siècle). Troisième Partie : Une diplomatie en rupture quasi totale avec l’Islam (depuis le XIXe siècle). Le point de départ est la diplomatie du Prophète Mohammad et des quatre premiers Khalifes, de 609 à 661. Le point de rupture a été 661, par l’avènement des Omeyades, qui ont transformé le Khalifat en dynastie, qui n’allait pas tarder à sombrer dans la sécularisation.
Masiwa -Le poème d’amour, Mystérieuse et sublime Majesté en kilt, dans ce livre, fait jaser. L’article de votre amie Ouzalé Souffou sur ce poème trouble les esprits, suscite des questions et des injures. Pourquoi refusez-vous de parler d’un sujet devenu public, pourtant ?
ARM – J’ai écrit ce poème d’amour en l’honneur d’une femme mariée qui a beaucoup, beaucoup, beaucoup compté pour moi. Son identité se trouve dès le titre et le début du poème. Le reste ne regarde personne d’autre. Ce livre compte 608 pages. Les gens se focalisent sur trois pages, me font des procès en sorcellerie et réclament ma tête. Certains prêchent le faux pour connaître le vrai sur Sa Majesté. D’autres lancent sur elle et sur moi-même l’anathème, la malédiction, les imprécations et les injures, prétendant connaître l’identité de Sa Majesté. Certains n’ont pas tort : ils ont vu juste, en associant les indices.
Masiwa -Pour les gens, votre poème d’amour relève de l’impudeur et de la provocation, surtout dans notre société très conservatrice des Comores.
ARM – Ah oui ? C’est leur problème. Mes pires ennemis, mystificateurs et coincés, me haïssent surtout pour ma liberté, ma liberté de ton, ma liberté d’expression, mon rejet du tabou. Je suis un homme libre. Même en prison, j’aurais été un homme libre. Je rejette l’autocensure. Je m’exprime dans une liberté totale. Quand j’ai envie de dire que j’admire les belles femmes et que je me retourne toujours à leur passage pour mieux les admirer, sans les draguer, je le dis. Et alors ? Comme je ne suis candidat à rien, comme je ne demande rien à personne, comme je ne veux être personne en dehors de moi-même, dans ma simplicité, je m’exprime comme je veux. Cela dérange ceux et celles qui inventent des histoires d’amour farfelues sur moi, car j’expose moi-même au public ma vie sentimentale, dans une liberté totale. Ma vie ne regarde que moi. Je rejette totalement et définitivement l’hypocrisie sociale.
Masiwa -Donc, la poésie est une forme d’expression qui vous convient parfaitement ?
ARM – En 1990, j’ai découvert un livre merveilleux, La vie de Mahomet, de Virgil Gheorghiu, un auteur brillantissime, qui a écrit quelque part : « Car d’autres peuples vivent toute leur histoire sur terre sans savoir que la poésie et la religion existent. Mais, pour un Arabe, elles sont plus importantes que l’air respirable ». J’ai vécu au Maroc durant 19 ans. Cela a laissé des traces dans mon âme, même si on ne voit en moi que la langue de vipère. En plus, dans notre propre société insulaire, nous avons le sens de la poésie, notamment par le shayir. Je vis dans la musique, la sœur de la poésie. Alors, j’assume tout sur Sa Majesté. J’ai écrit un poème d’amour pour elle, et cela doit regarder qui d’autre ? Je ne m’intéresse jamais à la vie des autres. Je peux passer une semaine sans sortir de chez moi ni recevoir personne. Les gens doivent se libérer des pesanteurs sociales comme moi. La liberté est une bénédiction.