Pour leur première participation à la Coupe d’Afrique des Nations, les Cœlacanthes des Comores font la fierté de tout un peuple. Le petit pays de 800.000 habitants, comme le précise souvent la presse internationale, est tout en vert. Les Comoriens ne sont pas verts de honte, ils sont verts de rage, la rage de vaincre. Ils sont verts d’espoir, car après avoir perdu contre le Gabon et le Maroc et leur victoire contre le Ghana, ils ont prouvé que leur pays était petit, mais qu’eux étaient grands. Cette qualification rêvée et inespérée est célébrée dans les rues et dans les cœurs de tous les Comoriens.
Le football est la plus grande passion des Comoriens. Quand il s’agit du championnat national, ils n’hésitent pas à en venir aux mains. Lors des compétitions internationales, les Comoriens sont souvent divisés, chacun soutenant le pays qu’il préfère. Le peuple, qui s’habillait souvent aux couleurs des plus grandes équipes et nations du football, porte désormais fièrement ses propres couleurs. Malgré les défaites incessantes, il n’a cessé d’être derrière la sélection nationale, quitte à s’attirer la foudre de certains pseudodéfenseurs de l’environnement qui trouvent révoltant le fait de se servir des plantes comme objets de décoration lors des matchs.
En mars 2021, les Cœlacanthes ont réussi à se qualifier pour la Coupe d’Afrique des Nations (CAN). Une première pour ce pays dont beaucoup de gens dans le monde ignorent l’existence. Un homme est devenu pendant les qualifications et pendant le tournoi le symbole de la joie et de la fierté de tout un peuple : Kassim Oumouri, commentateur atypique des matchs de l’équipe des Comores.
Cette qualification historique était déjà une victoire en soi et il va sans dire que beaucoup ont pensé que la petite sélection allait se faire littéralement ridiculiser. Sur les réseaux sociaux, des Comoriens moins optimistes n’ont pas cessé de dire que l’équipe ne passerait pas la phase de poules et qu’elle allait vite rentrer à la maison. Les autres pays africains ont traité l’équipe comorienne de distributeur automatique de trois points et après la défaite contre le Gabon qui était vu comme l’équipe la plus facile à vaincre du Groupe C, l’espoir des Comoriens s’était envolé. La deuxième défaite contre le Maroc aurait pu éteindre toute lueur d’espoir, mais l’héroïsme du gardien de but Ben Boina a redonné le sourire aux supporters des Verts. Sa performance a été célébrée comme une victoire. L’équipe avait perdu, mais un enfant du pays avait brillé et l’espoir pouvait renaître.
Lors de leur dernier match, les joueurs d’Amir Abdou ont surpris le monde entier en éliminant l’une des plus grandes nations du football africain, voire même mondial. Ce fut un match titanesque qui s’est achevé sur un score de trois buts à deux en faveur des Gombesa. Le Ghana, quatre fois champion d’Afrique et qui a joué les quarts de final de la Coupe du monde en 2010, s’est fait écarter de la compétition par une équipe comorienne qui jouit de sa première participation à la CAN. Les Black Stars de la légende africaine Abedi Pelé, ancien joueur de l’Olympique de Marseille qui a remporté la Ligue des Champions en 1993 avec cette même équipe, se sont inclinés face aux enfants de la lune. Les enfants de Pelé, André et Jordan Ayew n’ont rien pu faire, car le ciel compte moins d’étoiles quand la lune se met à briller. Cette victoire permettait aux Comoriens de quitter le Cameroun la tête haute. Cependant, il leur restait une dernière chance de se qualifier aux huitièmes de final et le sport avait laissé place aux prières.
C’est les doigts croisés et les cœurs serrés que les supporters des Cœlacanthes ont suivi les matchs du 20 janvier 2022. Les Comoriens se souviendront de cette date où tout le peuple était devenu ivoirien et guinéen dans l’espoir de continuer la grande aventure au Cameroun. Il était fou d’y croire, mais ils y ont cru et ils l’ont fait. Le destin des Comoriens à la CAN dépendait de la victoire de la Côte d’Ivoire contre l’Algérie, Championne d’Afrique en titre qui avait éliminé les Éléphants lors de la demi-finale en 2019. La sélection d’Algérie compte 35 matchs sans défaite et était sur le point de battre le record mondial d’invincibilité détenu par l’Italie. La Guinée-Bissau devait gagner contre la Sierra Leone en notant que les Lycaons comptent plusieurs défaites face aux Leone Stars. L’espoir était infime, mais cette nation qui ne brille que par les Étoiles comme Soprano, Rohff… se devait d’y croire.
La nuit du 20 janvier 2022 restera dans la mémoire du monde du football comme la nuit où les Fennecs d’Algérie ont perdu face à la Côte d’Ivoire laissant briller de mille feux les enfants de la lune. Tous les Comoriens du monde et tous les pays amis sont en fête.
Sur l’île d’Anjouan, les cris de joie ne se sont pas tus même après les 12 coups de minuit. Certains sont émus jusqu’aux larmes pendant que d’autres cachent leur joie tout simplement, car ils ont peur de la prochaine étape pendant laquelle leur équipe devra affronter le Cameroun de Samuel Eto’o, premier pays africain qui a joué en quart de final de coupe du monde en 1990. Les Lions indomptables ont été cinq fois champions d’Afrique, ils ont accueilli la compétition cette année et ont remporté tous leurs matchs jusque-là.
Les jeunes comoriens de l’ile d’Anjouan expriment leur bonheur face à cette première dans l’histoire de leur pays, ils ne peuvent pas cacher leur peur, mais comme tous les Comoriens, ils sont remplis d’espoir, car en 2022, tout est possible. Ils sont fiers et heureux de leur qualification, mais comme l’a si bien dit une jeune femme ce vendredi 21 janvier : « Je suis très contente, car je m’attendais pas à une telle chose, mais en même temps, je crains fort le match du lundi comme eux aussi nous craignent. »
Les mêmes mots, les mêmes espoirs et la crainte reviennent partout. C’est la magie du football et pour le moment, les Cœlacanthes sont dedans et ils ont déjà marqué l’histoire. En quelques mois, ils ont réussi là où la politique a échoué, et ce, malgré les détracteurs qui crient au séparatisme même dans les moments de joie. La plus grande partie des Comoriens de toutes les îles sont aujourd’hui fiers de leur équipe nationale.