Sans surprise, les chiffres de 43,61% à Ngazidja, 21% à Anjouan et 41,50% à Mohéli qui, par anticipation, avaient été annoncés en prenant en compte le nombre de candidats envoyés au deuxième tour ont été confirmés. Avec à la clé, un taux d’échec de plus de 60% soit plus de la moitié des candidats inscrits. En effet, aucun candidat du deuxième groupe, dans aucune des trois îles n’a raté sa prestation orale. Seulement quelques absents ont loupé leur bac. Le résultat est parfaitement résumé par un conseiller pédagogique : « Kula afanya apara ». Par Hachim Mohamed
Pour rappel, sur un total de 13678 candidats au niveau national, étaient déclarés admis d’office 1160 lycéens sur 7395 candidats à Ngazidja, 156 sur 1371 candidats à Mohéli et 254 sur 4912 candidats à Anjouan.
Si dans les réactions de l’opinion ces résultats proclamés s’avèrent catastrophiques cette année, cette situation suscite bien des interrogations dans la mesure où d’habitude le score final au bac ne reflétait absolument pas la « physionomie des vrais chiffres », tant le taux de réussite qui ressort des épreuves du deuxième groupe est souvent « automatique ».
Pour le ministre de l’Éducation nationale Djaanffar Salim Allaoui qui, dès sa prise de fonction, avait fait de la lutte contre la fraude son cheval de bataille, il y a dans le taux d’échec sa patte de rigueur, celle qui consiste à ne plus permettre de gonfler les chiffres aux examens.
La cause est entendue aux épreuves du deuxième groupe
« En tant qu’enseignant au lycée de Moroni, j’ai arrêté d’interroger aux épreuves du deuxième groupe. Comment on peut évaluer un candidat quand au départ la cause est déjà pédagogiquement entendue. Les autorités demandent par arrangement et accord tacite aux interrogateurs d’être indulgents devant les insuffisances de candidats pour ne pas remettre une « autre couche » dans les mauvais résultats du premier groupe », s’est confié un enseignant qui a requis l’anonymat.
La tenue des examens du bac, son organisation et ses résultats ont toujours suscité de vives critiques mettant en doute la crédibilité du diplôme. Selon certaines indiscrétions, si les interrogateurs au bac se montrent complaisants pendant les épreuves du deuxième groupe, c’est que le pays connait plus un taux d’échec que de réussite et que les candidats les plus favorisés dans ce maquillage de résultats étaient d’Anjouan et de Mohéli. Sur cette base, en AG les enseignants de Ngazidja ont décidé il y a quelques années d’« harmoniser l’admission automatique au deuxième groupe » pour les candidats des trois iles.
Les corrections se font dans les règles de l’art
Interrogé au téléphone par Masiwa sur la manière dont les copies sont corrigées, Housseine Ali, professeur d’anglais, un des correcteurs du baccalauréat 2021 nous permet de comprendre les procédures suivies pour les corrections des copies au premier tour.
« Il y a tout un processus quand les copies sont remises aux enseignants pour correction. La première étape du travail est l’harmonisation qui a eu lieu cette année le 16 septembre. Elle permet aux correcteurs d’examiner les coquilles des copies, les fautes typographiques, les omissions, les inversions, les formulations de questions, la présentation. C’est le lendemain que les enseignants ont pu commencer à corriger. Ces corrections ont été menées jusqu’au 24 septembre », raconte-t-il avant de poursuivre : « Pour les résultats au bac, s’il y a des failles pour la fiabilité des résultats, il faut les chercher dans la manière dont on surveille les candidats pendant les examens, mais pas dans la manière dont on corrige les copies, car à ce niveau les choses se font dans les règles de l’art ».
On ne s’attaque jamais aux vraies racines de l’échec
À écouter les enseignants, l’évaluation constante de notre système d’enseignement est primordiale si nous voulons que le niveau des élèves s’accroisse. Force est de constater que d’année en année le niveau scolaire se dégrade, l’État comorien ne fait pas de l’Éducation une priorité. Il faut ajouter à cela le fait que les enseignants sont pour la plupart mal formés et que les parents sont rares à suivre la scolarité de leurs enfants.
« Pour l’essentiel, les élèves comoriens ont des problèmes en langue française. Si vous prenez par exemple les contrôles dans les cours que ce soit la dictée-question ou la rédaction, le niveau est extrêmement faible », affirme un enseignant de mathématiques et sciences naturelles, Mahmoud Mchangama.
Pour ce fonctionnaire comme pour nos compatriotes éclairés sur la problématique, les opportunités qui s’offrent sur place aux enseignants pour élever le niveau de la maitrise de la langue française ne sont pas mises à profit, par démission. Mahmoud Mchangama fait allusion à l’alliance française du pays où une formation sous la forme d’une remise à niveau est assurée pour les enseignants qui veulent se perfectionner dans la langue de Molière.
Pour Soilihi Daroueche, un enseignant à la retraite, le niveau de certains élèves est vraiment trop bas. « Comment il ne le serait pas quand les élèves ne lisent pas ! À notre époque, une dictée où on trouvait cinq fautes, l’élève obtenait zéro et aujourd’hui, si par chance on en fait dans les classes, il faut 40 fautes pour se faire coller un zéro ! », dit-il. « C’est la raison pour laquelle certains élèves ne peuvent même pas t’écrire un message en français sans que tu ne détectes des fautes grammaticales élémentaires ».
Pour ces enseignants tant que l’on ne se sera pas attaqué aux vraies racines de ce problème et qu’on ne luttera pas avec de vrais moyens là où ces médiocrités sévissent, on n’obtiendra aucun résultat positif.
Pas d’enseignants qualifiés.
La situation dans laquelle se trouve l’enseignement est le résultat cumulé de toutes les petites décisions des acteurs dans le secteur qui n’ont jamais coupé le mal à la racine.
Évidemment, quand les résultats sont aussi mauvais, en dégradation continue d’année en année, c’est que la stratégie de l’Éducation nationale est mauvaise.
Un spécialiste de l’Éducation disait que les matières qui posent problème aux candidats au bac sont des matières à forts coefficients, mais c’est aussi parce que ce sont des matières pour lesquelles il y a de très fortes chances que les enseignants ont des difficultés à asseoir des connaissances et des compétences.
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