Tout à commencer au mois de juillet dernier, lorsque les enseignants contractuels au sein de l’Université des Comores (UDC) ont été reçus par l’administrateur, Ibouroi Ali Tabibou. Ils demandent leur titularisation conformément aux lois. Mais, ni la direction de l’Université ni le gouvernement qui a pris en main sa gestion à travers l’Administrateur ne semblent vouloir appliquer la loi. Par Salec Halidi Abderemane/MiB
Il y a là deux groupes, d’un côté les docteurs et de l’autre les doctorants. Leurs audiences avec l’Administrateur de l’Université des Comores, faisant fonction de président se sont soldées par des promesses qui n’ont jamais été tenues, témoigne un des enseignants-contractuels doctorants qui a requis l’anonymat. Durant le même mois de juillet, les représentants du groupe des docteurs ont tenu une conférence de presse afin d’aborder leur situation, qui n’a pas changé depuis longtemps alors que le droit du travail exige une évolution statutaire pour les deux groupes.
Une gestion politisée de l’administration universitaire
Les revendications des deux catégories d’enseignants se heurtent à la gestion politisée de l’Université des Comores. L’Université a été politisée par le fait que le chef de l’État a interrompu le processus d’élection du président de l’Université et a nommé, avec l’accord du Syndicat des enseignants un Administrateur. De ce fait, il a mis fin au décret n°15-004 portant statuts de l’Université des Comores, signé par son prédécesseur, le Dr Ikililou Dhoinine en 2015. Ce décret consacrait l’autonomie de l’Université et prévoyait la mise en place du Conseil d’administration et du président de l’Université par des élections. L’annulation des élections par l’actuel chef de l’État et la désignation plus tard d’un Administrateur par décret ont mis fin à l’autonomie de l’Université et instauré une gestion détenue par le gouvernement.
Ainsi les enseignants non titulaires ont fait du porte-à-porte et tendu la main aux autorités afin de demander le respect de leur droit. En vain.
C’est dans ce cadre que le 4 août 2021, une délégation d’enseignants-chercheurs contractuels ayant le grade de docteur a été reçue à Dari-Nadjah par le gouverneur de l’île d’Anjouan, Anissi Chamssidine. Sur la page Facebook officielle de l’autorité insulaire, on peut lire que les enseignants sont venus solliciter le soutien du Gouverneur et demander à ce dernier d’aller plaider leur cause auprès des autorités centrales. En effet, c’est le gouvernement de l’Union qui dispose désormais des diverses compétences allant de la gestion de la politique du travail, de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique.
Une tentative vouée à l’échec !
Après deux tentatives de discussion à l’amiable avec l’autorité centrale par des intermédiaires, sans qu’une suite concrète n’ait été donnée, les enseignants non titulaires décident de se mobiliser pour une grève suivie d’une manifestation pour demander une régularisation statutaire leur revenant de droit. Mais la manifestation aurait été interdite et certains des enseignants contractuels docteurs auraient convoqués à la gendarmerie selon les informations données par Oubeidillah Mchangama, journaliste de FCBK FM.
Au secrétariat de l’Institut Universitaire Technique, où quelques enseignants contractuels de l’Université des Comores s’y trouvaient pour rendre les copies et les notes des examens de session, ils craignent tous de répondre à nos questions. L’administration a promis de nous mettre en contact avec les responsables, mais ne l’a jamais fait. L’Administrateur nommé par Azali Assoumani n’a même pas pris la peine de répondre aux questions que lui a adressées la rédaction de Masiwa.
Le droit et Code du travail ignoré
Pourtant, l’Administrateur a été le Secrétaire général du Syndicat des Enseignants puis de la Confédération des Travailleurs comoriens (CTC) pendant de longues années. Aujourd’hui, à la tête de l’Université, il ignore les dispositions du Code du Travail qu’il a toujours défendues. En effet, la demande de régularisation de ces enseignants est justifiée par la loi n°84-108 portant Code du travail de l’Union des Comores.
Les enseignants non titulaires prétendent à une titularisation en se basant sur leur ancienneté. La régularisation faisant d’un contractuel un fonctionnaire de l’administration universitaire s’apprécie non seulement par la durée d’exercice, mais aussi par le degré du diplôme reconnu par l’institution. Or, les uns comptent huit ans et plus, et les autres quatre ans d’anciennetés. Cette exigence en termes d’ancienneté et de diplôme est une politique universitaire soutenue par l’autorité centrale depuis 2015, afin d’intégrer les enseignants susceptibles d’optimiser les activités de recherches scientifiques et d’enseignement de l’Université des Comores.
Les deux catégories d’enseignants contractuels de l’UDC remplissent ces conditions. Leurs situations statutaires actuelles au sein de l’intuition justifient une violation flagrante au code du travail de l’Union des Comores légitimée par l’exécutif central.
En effet, l’article 37 du Code du Travail dispose que « Lorsqu’un contrat de travail à durée déterminée est renouvelé plus d’une fois ou lorsque l’employeur continue d’employer le salarié après le terme dudit contrat, celui-ci est réputé avoir été conclu pour une durée indéterminée à compter de sa date de signature ». Or, les renouvellements successifs des contrats de ces enseignants n’ont jamais abouti à une modification statutaire depuis 2012. De plus, alors qu’ils sont embauchés pour une année scolaire tenant compte du temps de documentation et de préparation, ainsi que des vacances scolaires prévues par les lois, enseignants contractuels doctorants ne sont souvent payés que pendant la période pédagogique, le temps de présence en cours, soit six mois sur douze..
En plus du Code du Travail, ces dispositions vont à l’encontre des chartes et textes internationaux dont les Comores sont signataires et qu’un ancien chef syndicaliste comme l’actuel Administrateur ne peut ignorer. La charte africaine des droits de l’homme et des peuples affirme que « toute personne a le droit de travailler dans des conditions équitables et satisfaisantes et de percevoir un salaire égal pour un travail égal ».
Ainsi, l’administration de l’Université et le gouvernement maintiennent les enseignants de l’UDC sur les trois centres dans une précarité illégale et injuste. Encore une fois, on peut s’interroger sur une volonté d’émergence d’ici sept ans en maintenant l’Éducation et notamment l’enseignement supérieur dans un état d’abandon sans précédent. Le chef de l’État répète dans ses discours que « Pour pouvoir émerger, nous devrions faire des sacrifices ». Et de plus en plus, on a l’impression que l’enseignement et la recherche sont sacrifiés !
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