Le clip Mama Nambiye (« Explique-moi, maman », traduction de la Rédaction) du Grand Diblo et Queen Z, a fait 11 000 vues en deux semaines. Une production, des costumes, des voix et un message engagé, voilà les secrets du nouveau clip en vogue dans les réseaux comoriens. Par Nawal Msaidié
Après Tsozi, Mapesa Mafitsi en featuring avec Joban Jo et Facebook 2.0, le Grand Diblo revient cette fois aux côtés de Queen Z et nous livre le 4e extrait de son projet artistique, Mama nambiye, produit par M. Fay’z, un morceau qui véhicule un message fort sur l’éducation et la responsabilité parentale. Les artistes nous ont confié l’histoire du morceau, leur rencontre, leur philosophie.
La genèse d’un morceau engagé
Le morceau a été coécrit par les deux artistes, c’est d’abord le Grand Diblo qui en a commencé l’écriture bien avant sa rencontre avec Queen Z. « Tout commence dans le RER C, nous sommes, avec des amis, assis avec de jeunes filles et l’une d’elles, une Congolaise, me raconte son histoire. Elle doit se débrouiller seule pour subvenir à ses besoins alors qu’elle vit encore chez sa mère ».
Dans Tsozi, l’artiste se confiait sur sa vie intime, lui originaire de Batu (Hamahame, Ngazidja) et élevé par la famille de son père à Fumbuni. Dans Facebook 2.0 et Mapesa Mafitsi, il abordait des thèmes sociétaux pour que la société comorienne à travers le monde prenne conscience des dérives provoquées par les réseaux sociaux et le rapport à l’argent. “Dans mes écrits, je peux faire de l’egotrip comme de la conscientisation. Pour Mama nambiye, je me suis donc inspirée de l’histoire de cette jeune fille en ajoutant de nouveaux éléments à l’intrigue comme vous pouvez le voir dans le clip. Dans mon scénario, la jeune fille a été jetée dehors par ses parents et c’est ce qui la pousse à se prostituer pour subvenir à ses besoins. Je veux faire passer deux messages dans ce morceau. Premièrement, conscientiser sur la responsabilité parentale, je suis moi-même père d’une petite fille de quatre ans et je pense que l’éducation des parents est très importante pour le bon développement d’un enfant. Je voulais aussi que les gens changent leur vision, avant de juger une jeune fille que l’on considère comme vicieuse, qui se prostitue, il faut se demander si elle agit ainsi par choix ou avant tout pour survivre ».
Le Grand Diblo après la rédaction du premier couplet et du refrain pensait d’abord chanter avec un « petit frère à lui » puis on lui a présenté Queen Z connue sous le nom de Zayone sur les réseaux sociaux et là il y a eu un déclic.
La rencontre
Zayone ou Queen Z écrit son premier morceau entre 13 et 14 ans, elle écrit pour se libérer, pour partager les violences sexuelles dont elle a été victime quelques années plus tôt par un proche de sa famille. Il y a deux mois, elle s’est livrée lors d’une interview bouleversante sur ce traumatisme pour encourager celles et ceux qui ont subi les mêmes sévices à se confier et à bénéficier de l’aide dont ils ont besoin, mais surtout pour dénoncer les actes encore trop souvent laissés impunis par la société comorienne. C’est une femme engagée sur plusieurs fronts contre les violences faites aux femmes et aux enfants, le féminisme social et politique, et même la politique en général.
A 18 ans, poussée par son grand-oncle Nassadja, l’un des grands piliers du reggae comorien, elle se lance dans la musique au mépris du qu’en-dira-t-on. On la retrouve sur scène depuis plusieurs années lors de journées culturelles, de concert de solidarité ou de showcase. « Nous sommes aujourd’hui, officiellement, trois femmes engagées dans la musique hip-hop comorien : ma petite soeur Malha, Harlyto et moi-même. Ce que nous proposons est différent du style de musique interprété par Nawal, les deux Imany ou encore plein d’autres. Le problème est que dans la société comorienne, lorsqu’une fille, une femme s’engage dans des musiques douces cela ne pose pas de soucis, mais lorsqu’elle décide de se lancer dans un style plus dur, catégorisé plus masculin, elle fait face à des barrières et des jugements qui peuvent la décourager. Mais le vent semble tourner pour les artistes hip-hop féminines qui sont de plus en plus sollicitées pour poser leur voix dans des collaborations variées. Bientôt, Don D’é, cofondateur de Gurru Muzik, produira Le Coffre volume 2 avec exclusivement des artistes féminines. »
Bien au fait, des engagements de sa consœur et sensible à sa philosophie, la collaboration a été évidente. Les deux artistes ont rapidement terminé l’écriture du morceau et l’ont enregistré dans les studios de Fulani Records. « Le clip a mis plus de temps à sortir à cause de la Covid », nous confie Queen Z.
Un message et une valorisation de la culture comorienne
Le morceau est surtout chanté en shingazidja avec quelques paroles en français. « Mon père étant d’origine comorienne et yéménite et ma mère malgache, j’ai l’habitude de passer d’une langue à l’autre dans mes morceaux soit le shikomori, le malgache, l’arabe littéraire et le français ». Le clip, réalisé par Smito, nous plonge dans la vie passée d’une jeune fille incomprise par sa mère et expulsée du foyer par son père et dans son présent où une amie l’encourage à se prostituer avec elle pour subvenir à ses besoins. Les paroles expliquent que ses actes d’aujourd’hui ne sont que les conséquences du comportement maladroit et irresponsable de ses parents.
Le clip se promène ainsi dans le passé (en noir et blanc) et le présent (en couleur), sans vraiment montrer une amélioration du sort de la jeune femme.
Au-delà du message véhiculé, le spectateur est marqué par les costumes créés par Aïda Bahati, créatrice de Bahari Sugar. Une marque qui valorise la culture comorienne en mettant le leso, le shiromani, le nambawani, le sahare dans toutes ses créations.
Les ingrédients réunis et le nombre de partages constatés dans les réseaux sociaux présagent d’un bel avenir pour ce clip.