Actuellement aux Comores, nous assistons à une regrettable unipolarisation du paysage politique. Un seul son de cloche résonne. N’ont droit au chapitre, que les proches de la galaxie Azali, qu’ils soient fidèles de la première heure ou opportunistes ralliés de dernière minute.
Pour la première fois depuis la dictature d’Ahmed Abdallah, une législature monocolore, entièrement acquise à l’exécutif sera en place à l’issue des élections législatives en mars 2020. C’est une déplorable régression démocratique.
Étouffée par un régime autoritaire et soufrant d’un cruel manque de stratégie, l’opposition est inaudible et peu crédible à l’intérieur du pays. À l’extérieur, là où la résistance Anti-Azali est la plus virulente, on ressent un essoufflement de la diaspora, minée par des dissensions internes.
Face à ce constat alarmant, pour la vitalité démocratique de notre pays, s’impose l’impérieuse nécessité de repenser et refonder l’opposition comorienne. Il y a une absence de représentativité des opposants. Si la cause qu’ils défendent trouve incontestablement un écho favorable auprès d’une large portion de la population, il manque aux adversaires d’Azali, un élément fondamental en politique, la puissance d’incarnation.
Le Chef de l’Union de l’opposition Mohamed Ali Soilihi n’est pas libre de ses mouvements. Le président d’honneur du Juwa, Ahmed Abdallah Mohamed Sambi est enfermé dans sa résidence devenue une annexe de la prison de Moroni par un arrêté du ministre de la Justice. Le président du Conseil national de Transition (CNT), Mouigni Baraka Saïd Soilihi, ne se déplace que très peu hors de son Itsandraya natal.
Les deux premiers ne peuvent pas s’exprimer librement et le dernier occasionnellement. Une vacuité de leadership que tente de combler avec beaucoup de maladresses, un porte-parolat qui fait dans l’amateurisme.
La partie exilée de l’opposition a une faible capacité de mobilisation et s’illustre par les déclarations à l’emporte-pièce du député Tocha Djohar et ses consorts.
Face au risque d’un effacement durable, il faut d’urgence que ceux qui combattent le pouvoir initient un chantier de reconstruction pour bâtir une opposition solide.
La scène politique a besoin d’un nouveau souffle. Les ténors traditionnels traînant une ribambelle de casseroles derrière eux doivent jouer un rôle de second plan et mettre en avant une nouvelle génération irréprochable, capable de tenir la dragée haute au gouvernement.
Combien de temps encore, certains tauliers de l’opposition obnubilés par leur survie, résisteront-ils aux appels du pied du gouvernement ?
Une opposition forte est dans l’intérêt de tous, y compris le pouvoir en place. L’histoire a démontré que les régimes qui règnent par la terreur, lorsqu’ils n’ont plus d’adversaires, finissent par dévorer leurs propres enfants.
De Danton et Robespierre lors de la « Terreur vertueuse » de la Révolution française, en passant par Trotski sous le régime soviétique de Staline ou Deng Xiaoping durant la révolution culturelle chinoise, autant de preuves que « dévorer ses propres fils » est un mécanisme intrinsèque à tous les autoritarismes sans opposition.
D’ailleurs, la séquence des élections législatives durant lesquelles les différentes composantes de la mouvance présidentielle se sont entredéchirées en public n’est qu’une petite illustration de ce qui risque de se produire à grande échelle, une autodestruction.
Favoriser une opposition sera salutaire pour la mouvance présidentielle, car elle permettra au camp Azali de galvaniser ses troupes, resserrer les rangs contre l’adversaire commun.
Après des décennies de lutte pour le multipartisme et la démocratie aux Comores, nous ne pouvons rester les bras ballants tandis que notre pays se transforme en un régime à parti unique, dans lequel la CRC monopolise et confisque toute activité politique. L’opposition doit se concerter d’urgence, procéder à une introspection et dépasser les constructions partisanes existantes.