Au pays du mécontentement, de la grosse déprime et de l’orchestration caractérisée du désordre qu’est l’Union des Comores, la jeune faune urbaine branchée de Moroni s’en est rendu compte quand elle voulait manger dans les chaînes de fast-food ce lundi 27 janvier. HACHIM MOHAMED
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« Qu’est-ce que qui se passe ? Je viens et je trouve le bistrot WASTA fermé. Quelqu’un peut m’expliquer cette déconvenue ? », a lancé Ribahué avec un sourire mélancolique.
Rikinazé qui promenait en « camera » son regard curieux dans le quartier allant de Kalfani jusqu’à la pente qui mène vers le carrefour de Kaltex, n’était pas loin de son compatriote qui avait faim et il répliqua sur un ton qui était destiné à le chambrer.
« Eha ! Tu ne sais pas l’affaire ! Ce lundi est le premier jour d’une grève générale lancée par de petits commerçants de la capitale ».
C’est vrai que dans la ville, ses environs et son étendue, les citadins ne pouvaient pas faire cent mètres sans tomber sur une boutique ou un magasin qui a baissé les rideaux.
À Irougoudjani ou à Zilimadjou comme dans les quartiers excentrés de Magoudjou, Coulée, Sahara…la circulation automobile, piétonne ou cycliste était plus fluide, les voitures pouvaient rouler plus vite, émettant alors davantage de gaz.
Mla Kanandzaya qui est un de piliers du café « NASSIB » a connu le même sort que son compatriote Ribahue ne sachant pas ce qui allait se passer en ce début de la semaine. À 19 heures, il est descendu d’un taxi et a dû rebrousser chemin. En ce jour de grève, il n’allait pas pouvoir s’éclater entre les mordus de la politique et du ballon rond.
« Mais ça ne travaille pas ici ! Je ne comprends pas pourquoi même le soir, on n’ouvre pas », s’est offusqué ce personnage grand et ronchonneur.
Mwendza Fkira qui, à 60 ans, conserve un incroyable bagout, un charme aussi énorme que ses moustaches soignées, marchait dans la rue de « VOLO-VOLO » et s’arrêta une fois à la hauteur de Mla Kanandzaya. «Tu n’es pas au courant de la hausse de droits et de taxes de douane ? » s’est exclamé d’un air si sérieux ce Moronien, vêtu d’un costume sombre et mal rasé. Et il n’a pas fini la prise de parole.
«La contestation de la hausse de tarifs douaniers a commencé le 21 janvier dernier avec l’organisation patronale la plus puissante du pays OPACO qui avait demandé à ses adhérents et les commerçants de n’ouvrir les magasins qu’à partir de midi. En fait, ce sont les petits commerçants qui en assemblée générale avec ces opérateurs économiques qui ont proposé les 72 heures de grève. « Voilà une élite politique qui pressure les petits commerçants par les impôts, pour payer la paix sociale des pauvres et réparer les frais de leur délinquance ou de leur vandalisme gouvernemental a-t-il commenté.
Pour une rue très passante comme celle de Volo-Volo fréquentée essentiellement pour ses nombreux magasins, un homme habillé de kaki, de bottes, de pantalon, de tee-shirt et gants de jardinage ne s’est pas fait prier pour se prononcer sur le grand contentieux entre la douane et les commerçants.
«Si ces temps-ci il y a fermeture de magasins, arrêt de toutes les activités liées au commerce ou encore arrêt de dédouanement, les raisons profondes en sont multiples économiquement parlant », a-t-il renchéri.
Evidemment Mwendza Fikira n’était en reste : « Ce que le « Presi » du SYNACO Mohamed Mouigni Daho a parlé dans la presse est ahurissant ! À force d’être pressurés d’impôts écrasant nos compatriotes plus 500 commerçants ont mis la clé sous le paillasson depuis 2017 » , a-t-il appuyé avant de poursuivre dans un mélange de crânerie intellectuelle et de fougue juvénile. « À en croire cet homme d’affaires, auparavant, on sortait un conteneur à 1,9 million, mais maintenant il faut débourser 2,5 à 3 millions de francs comoriens. Et il ne comprend pas sur quelles bases la douane a augmenté aussi fortement les tarifs. De toute façon, les opérateurs économiques et les représentants de la population marchande sont unanimes pour dire que la hausse n’a pas de base légale ne s’étant appuyée sur un calcul de droit de douane qui est une valeur transactionnelle !»
En sa qualité de membre et président de la nouvelle OPACO, Mahamoudou Ali Mohamed est allé plus loin dans ce souci de discerner le sens de ce qui est arrivé aux commerçants. « 70 % des 400 personnes qui ont assisté à notre assemblée générale de mercredi dernier étaient de petits commerçants. Et ce n’est pas la novelle OPACO qui a décidé de faire grève, mais les commerçants. Savez-vous que même les pharmaciens ont rallié la cause de la grève ?»
Au-delà des raisons conjoncturelles mentionnées plus haut, maintes révélations étaient sorties de la bouche de ce grand entrepreneur comorien quand en interview, il répondait aux questions d’un journaliste de la place.
Comme un de ces rares récits dont on sort bouleversé et dont on entend les échos bien après l’avoir refermé, le topos de la problématique de la grève qu’il en donnait était tour à tour, vivifiant, poignant et horrifiant.
«Savez-vous qu’en regardant les lois de finances depuis 2016, il y a chaque fois la taxe qui augmente sans concertation avec le secteur privé nonobstant son rôle pivot dans l’économie nationale. Si les investisseurs apprennent ce qui se passe ici pour les opérateurs économiques, ils vont réfléchir mille fois avant de sauter le pas. Tellement l’environnement des affaires est pourri ici, l’économie nationale souffre. Et pour venir à bout de la crise, ce qui est scandaleux, le gouvernement ne cherche pas le bon interlocuteur comme le collectif SYNACO, une personne du comité, Wussikani wa masiwa, le Modec ou encore une dame de Volo-Volo, mais parle avec Ahmed Bazi qui ne représente rien n’ayant plus de mandat depuis longtemps. »
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