Alors que le gouvernement chante aux Comoriens que tout va bien, que le pays a atteint le niveau intermédiaire au niveau international et qu’il se dirige vers l’émergence en 2030, les prix sur les marchés montrent l’inverse et les opérateurs économiques tirent la sonnette d’alarme sur les dérives économiques et notamment les hausses trop importantes des tarifs douaniers sans aucun contrôle du parlement dont la voix a été réduite au silence par le pouvoir exécutif. Les opérateurs économiques ont décidé d’entrer en grève pendant trois jours à partir de lundi. Mahamoudou Ali Mohamed nous explique dans cette interview pourquoi ils ont été contraints à cette épreuve de force par les autorités en place.
Propos recueillis par Ali Mbaé
Masiwa – L’OPACO et tous les autres opérateurs économiques appellent à une grève de trois jours à partir de lundi. Pourquoi ?
Mahamoudou Ali Mohamed (MAM) – La nouvelle OPACO est une association des patrons comoriens qui soutient le syndicat national des commerçants (SYNACO). Je vous annonce que nous maintenons la grève de trois jours : lundi, mardi et mercredi. C’est une grève sans condition. On ne demande aucune condition. C’est une grève pour montrer l’existence des commerçants à l’État parce que l’État nous ignore, nous méprise alors que nous contribuons en grande partie aux ressources de l’État. C’est une grève lancée pour montrer l’importance des commerçants, des investisseurs du secteur privé de notre pays en général.
Masiwa – Vos reproches semblent se focaliser essentiellement sur la douane…
MAM – Ce n’est pas seulement à la douane. On reproche à l’État beaucoup de choses qui ont causé la cherté de la vie. On souffre tous. Aujourd’hui nous sommes des commerçants, mais également des consommateurs. Il y a une grosse récession créée par les autorités, celle-ci s’installe dans notre pays au sein de la douane, de Moroni Terminal. Même les coups de frets ont augmenté. Je vous donne un exemple. Prenez le cas de Moroni Terminal. Ils avaient deux chalands (NDLR : bateau plat servant à récupérer les marchandises des gros bateaux au large du port). Aujourd’hui, ils n’ont qu’un seul chaland. Les conséquences, c’est l’augmentation des délais et cela a un impact sur le coût, et beaucoup d’autres choses qui ont pour conséquence la cherté de la vie. Et nous sommes les premiers à en souffrir. On souffre doublement, car on nous accuse d’augmenter les prix, mais nous aussi on souffre de l’augmentation des taxes et frais. Donc, il faut absolument que l’État comprenne notre rôle, notre importance et notre contribution à la richesse du pays.
Masiwa – Quelles taxes ont été revues à la hausse ?
MAM – Il y en a plusieurs, mais je vais peut-être vous rappeler une chose. Nous avons été reçus à la présidence il y a quatre semaines. Ce jour-là, on a présenté deux doléances. On ne veut plus payer à la douane pour le scanner que l’État a acheté et on ne veut pas qu’on modifie nos factures, parce qu’en modifiant nos factures, on modifie les droits de paiement. Mais quand on est sorti de là, après avoir attendu quatre semaines sans réponse et qu’on a informé tous les acteurs du commerce et de l’économie, on s’est qu’il n’y a pas que cela. Il y a énormément d’autres problèmes. Il y a effectivement le problème de douane. Vous allez en Chine et vous achetez quelque chose pour dix millions. Vous vous attendez à payer à la douane dix millions. On vous dit : « Monsieur, ce que vous avez acheté vaut 20 millions, nous sommes sûrs ». Tout ça pour augmenter ce qu’on doit payer à la douane. C’est une grosse pénalité qu’on impose à tout le monde. Je peux vous donner beaucoup d’exemples de commerçants qui ont subi cela. Il y a aussi autre chose. Le coût du fret a augmenté. Le coût de Moroni Terminal a augmenté. On ne vous parle pas d’autres difficultés qu’on éprouve face aux autorités.
Masiwa – Vous avez évoqué la question du scanner, n’est-ce pas une bonne chose, ne serait-ce que du point de vue sécuritaire ?
MAM – Effectivement, c’est une bonne chose parce que ça permet d’éviter que des produits dangereux entrent dans le pays entre autres. Mais ce n’est pas aux commerçants de payer ce scanner. C’est quelque chose qui doit être prévu par le budget de la nation. Quand on prend la décision d’acheter un scanner, les députés approuvent le budget et approuvent aussi comment le rembourser. Ce n’est pas à nous commerçants de le payer. C’est comme si l’État décide d’acheter un immeuble ou un building et puis il dit que tous ceux qui vont au building vont payer.
Masiwa – N’y a-t-il pas des commerçants qui profitent du système ?
MAM – Toute la chaîne économique subit. Le consommateur qui se trouve au bout de la chaine se trouve pénalisé lui aussi. Il y a une grosse récession dans le pays, l’économie va très mal. Vous le voyez, tout a augmenté. Nous faisons la grève pour montrer que ça ne va pas. Après la grève de trois jours, nous présenterons une liste de toutes les doléances. Si les autorités ne nous écoutent pas, ça va être difficile de continuer à vouloir soutenir l’économie.
Masiwa – Votre démarche est certainement approuvée par les deux organisations du patronat comorien ?
MAM – Pas seulement MODEC et La Nouvelle OPACO, mais aussi le syndicat des transitaires, le syndicat national des commerçants. Nous avons aujourd’hui une guéguerre qui s’est installée au niveau de USUKANI wa MASIWA parce que notre visite à Beit-Salam, ils étaient là. Mais aujourd’hui il y a une partie de USUKANI wa MASIWA qui était retournée, mais ce n’est pas grave parce que si on ferme nos boutiques, ils n’auront personne à transporter. Si CBE ne livre pas de sable, leurs camions ne pourront pas travailler. S’il n’y a pas de business, ils ne pourront pas travailler.
Masiwa – La chambre de commerce a annoncé dans un communiqué que la grève pourrait ne pas avoir lieu ?
MAM – Cela n’engage que les signataires du communiqué. Pas nous. La grève est maintenue.