Une fin d’année éprouvante pour les membres du mouvement Ndzouani en marche (Nem), qui ont subi des arrestations et des attaques virulentes de la part de Mahamoud Salim Hafi, directeur de la radio et télévision nationale, qui les a accusés d’avoir des visées « séparatistes ». Une manœuvre visant à décrédibiliser ce mouvement qui revendique, entre autres, le « respect de la tournante » ? Par Faïssoili Abdou
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« Des arrestations politiques ». C’est ainsi que le député Abdallah Ben Omar a qualifié les interpellations qui ont touché des membres du mouvement Ndzouani en marche (NEM) la semaine dernière. Cette plateforme politique se revendiquant de l’opposition au régime en place a enregistré plusieurs convocations suivies d’arrestations d’une grande partie des membres de son bureau au lendemain d’une réunion au cours de laquelle des affichettes appelant au boycott des prochaines élections ont été brandies par les participants.
« Non, je ne vote pas »
« Non, je ne vote pas. Wa Ndzouani karissi tsaha voté (traduction= les Anjouanais nous ne voulons pas de vote, NDLR) », pouvait-on lire sur ces affichettes flanquées d’une carte de l’île sur fond rouge et une urne barrée. Il n’en fallait pas plus pour que les autorités interprètent cela comme étant une revendication insulaire et donc séparatiste. Une accusation infamante qui fait plutôt sourire dans les rangs du NEM dont la quasi-totalité des leaders se revendique « unionistes ». Au NEM, on s’interroge surtout sur les motivations réelles des nombreuses convocations et arrestations opérées la semaine dernière.
« Personne ne sait pourquoi ils étaient arrêtés et pourquoi ils sont libérés », a répondu le député Abdallah Ben Omar lorsqu’on lui a demandé les raisons de ces arrestations. « Il n’y avait aucun délit. C’était juste une manœuvre pour nous intimider et ainsi nous empêcher de parler ou peut-être fuir l’île », suppose l’élu qui a décliné la convocation de la gendarmerie en faisant valoir son immunité parlementaire. « C’est mon droit, la constitution me protège », a-t-il soutenu.
Des arrestations dans les rangs du NEM
« Au lendemain de notre rassemblement, tous les membres de la Coordination du NEM ont reçu une convocation aux brigades de gendarmerie proches de leurs localités. On s’est présenté hier matin au poste, mais le Commandant nous a dit que tout a été annulé et que nous pouvons partir », nous expliquait, le 1er janvier, Abdallah Abderemane dit Pala qui était convoqué à la gendarmerie de Ouani. Les autres membres convoqués le 30 décembre à la gendarmerie de Mutsamudu seront aussi relâchés après quelques heures d’interrogatoire. Un autre groupe, moins chanceux, convoqué le lendemain sera retenu dans les locaux de la gendarmerie du 31 décembre au 4 janvier. Il s’agit de De Gaulle, grand notable de Bimbini et ancien instituteur à la retraite, de Mohamed Abdou dit Gol, enseignant à l’Université des Comores et ancien candidat à l’élection du Gouverneur d’Anjouan en mars 2019 et de Docteur Djanfar Laguéra. Dhouria Salim, ancienne secrétaire générale du gouvernorat d’Anjouan et membre active du NEM fera elle aussi 24 heures à la gendarmerie juste à la veille de leur libération. Au même moment, un jeune membre du NEM originaire de Vouani était lui aussi activement recherché par la maréchaussée.
Séparatistes ? Le NEM répond
Dans une conférence de presse tenue le 2 janvier à Anjouan, l’ancien ministre de l’Éducation et actuel directeur général de l’ORTC, Mahamoud Hafi, s’est livré à des attaques en règle contre le mouvement Ndzouani en marche en accusant ses membres de faire la promotion du séparatisme. « La loi sera appliquée et vous vous exposez à des sanctions sévères. Nous allons stopper vos manœuvres », a-t-il mis en garde. Des accusations dont le NEM ne tardera pas à rejeter dans un communiqué publié le 7 janvier. « Après une semaine mouvementée, au cours de laquelle cinq de nos camarades ont été arrêtés arbitrairement, le NEM condamne énergiquement ces genres de pratiques dignes d’une certaine époque révolue des grandes dictatures africaines, aux partis uniques. Le NEM rejette toutes les accusations à caractère séparatiste dont il fait objet et réitère son attachement aux accords de Fomboni de 2001 », lit-on dans ce document.
Le NEM rappelle par ailleurs que ce sont ces accords de Fomboni, pierre angulaire de leurs revendications, qui ont « mis fin à la crise séparatiste d’Anjouan de 1997 ». « Mais force est de constater que chaque fois qu’un Anjouanais revendique ses droits, il est systématiquement taxé de « séparatiste », juste par intimidation », déplorent les membres de ce mouvement qui réclament « l’instauration de l’état de droit, l’autonomie large des îles et la présidence tournante conformément aux Accords de Fomboni ».
Pour rappel, dès son premier communiqué, publié le 24 octobre dernier, ce mouvement avait signifié son attachement aux accords de Fomboni et la constitution de 2001 qui, selon eux, auraient établi la « stabilité politique et la paix civile » durant 15 ans dans l’archipel.
Composé des forces vives et des personnalités politiques de l’île notamment des candidats aux dernières élections présidentielles et des gouverneurs, le NEM avait dès lors dénoncé le « climat de terreur sans précédent » dans l’archipel et particulièrement à Ndzuani où « les libertés fondamentales sont bafouées».
« A la moindre critique, on emprisonne, on torture, et parfois on tire », avait-il relevé. Visiblement secoué par les arrestations de la semaine dernière, le NEM alerte d’ores et déjà sur des probables interpellations qui pourraient intervenir prochainement. « Nous informons tous nos compatriotes, de l’intérieur comme de l’extérieur, qu’un autre plan diabolique visant à arrêter encore tous les responsables du NEM jusqu’à la fin de ces pseudo-élections est déjà élaboré, ficelé et remis aux autorités compétentes », ont-ils avancé.
Qui veut la peau de ce mouvement ?
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