Un discours oscillant entre autosatisfactions, des promesses de jours meilleurs, mais aussi une certaine rigidité au niveau du dialogue politique pourtant nécessaire à la mise en place d’un climat paisible dans l’archipel. En présentant les vœux du Nouvel An, le président Azali Assoumani a multiplié les promesses des lendemains qui chantent faisant miroiter le lancement de « grands chantiers » pour le développement du pays.[ihc-hide-content ihc_mb_type=”show” ihc_mb_who=”2,3,4,5,6,9″ ihc_mb_template=”1″ ]
Il a également appelé à la « consolidation de la paix et la stabilité » alors que dans les faits, il donne plutôt l’impression de s’enfermer encore plus dans ses certitudes balayant d’un revers de la main le dialogue dont il ne cesse, pourtant, de louer les vertus à longueur de discours. Mais comme toujours entre le discours et la réalité, il y a loin de la coupe aux lèvres…
Clairement en campagne pour les élections législatives du 19 janvier prochain et les communales un mois plus tard, le président Azali s’est lancé dans une véritable séance d’autosatisfaction lors de son discours pour le Nouvel An. Il a ainsi vanté les chantiers engagés jusque-là par son régime. « Nous avons mis en œuvre sur le terrain, une politique de construction, de réhabilitation et de rénovation de nos infrastructures routières et lancé des chantiers de construction des routes secondaires et des voiries dans notre pays, qui facilitent, sans conteste, la vie quotidienne des Comoriennes et des Comoriens », a-t-il énuméré alors que, comme on le sait, il ne fait pour l’essentiel que poursuivre des chantiers déjà initiés par ses prédécesseurs.
Les chantiers en cours
« Le chantier de construction du Centre Hospitalier El-Maarouf a continué à évoluer de façon satisfaisante. Nous avons poursuivi nos efforts pour la production d’énergie et la fourniture régulière d’électricité à la population », a-t-il fait savoir. Par la suite, le président Azali mettra en avant « les immenses progrès dans le cadre de l’assainissement des finances publiques » engagés par son régime et qui auraient permis au pays « d’être reclassé par la Banque Mondiale et de passer des Pays les Moins Avancés aux Pays à Revenus Intermédiaires ». Selon lui, ce classement se justifie notamment par les performances économiques enregistrées ces dernières années et qui ont permis la relance de la croissance économique qui a atteint 3,8% contre 1% en 2015. Des performances économiques qui, pour le moment, ne sont que virtuels pour la majorité des Comoriens.
Une lutte contre la corruption
S’appuyant sur la « réussite » de la conférence des partenaires au développement, le locataire de Beit-salam a indiqué que la nouvelle année débutait avec « la conviction de bénéficier de financements conséquents pour la réalisation de nos projets phares, de nos projets structurants et de nos projets sectoriels, plus particulièrement la formation, l’insertion professionnelle et l’emploi des jeunes ». Pour rappel, la formation, l’insertion professionnelle et l’emploi des jeunes sont, entre autres, les volets couverts par l’enveloppe de 150 millions d’euros promise par la France en juillet 2019. Azali a ensuite appelé ses compatriotes à « redoubler d’efforts afin de faire de 2020, l’année du lancement des grands chantiers qui nous mèneront vers le progrès et la prospérité».
Dans ce même élan, le locataire de Beit-Salam a affiché sa détermination à lutter contre la corruption, « ce fléau qui constitue le principal handicap qui dissuade les investisseurs étrangers de venir s’installer dans notre pays, et qui fait fuir ceux qui sont sur place, tuant ainsi l’esprit d’entreprenariat au niveau local », dira-t-il. Un engagement qui risque de ne pas convaincre grand monde quand on se rappelle que c’est le même Azali qui, dès son arrivée au pouvoir, s’est empressé de liquider la commission nationale de lutte contre la corruption.
Une contestation venue de l’extérieure
Sur le plan politique, il apparait clairement qu’Azali fait une analyse politique biaisée par rapport au mouvement de contestation contre son régime qui s’exprime depuis neuf mois à l’intérieur du pays et au sein de la diaspora. Droit dans ses rangers, le colonel Azali s’évertue à reléguer cette contestation dans le rang d’un simple « discours de la haine » propagé par des gens mal informés sur les réalités politiques de leur pays. « De nombreux compatriotes, notamment des frères et sœurs de la Diaspora se sont alarmés et se sont mobilisés contre ce qu’ils appellent la dictature dans notre pays. J’espère que ceux et toutes celles qui ont eu l’occasion de se rendre et de séjourner au pays ces derniers mois et ces dernières semaines, pour nos festivités et nos cérémonies traditionnelles, et qui ont donc vécu de l’intérieur, la réalité de notre pays, diront aux contestataires, qu’aucun d’entre eux n’a jamais été inquiété, pour dissiper la fausse image, qu’ils ont de leur pays. J’espère qu’ils leur diront que la peur et la dictature contre lesquelles ils disent lutter à l’étranger, n’existent que dans leur esprit », a-t-il lancé. Sans rire. Comme si, il essayait de se convaincre qu’il ne s’agit là que de l’œuvre d’une poignée de « haineux » manipulés qui contribuent à la « la prolifération de discours de haine (…) qui a parfois abouti à des agressions physiques » ces derniers mois.
Des élections boycottées
Dans son discours le président Azali reviendra également sur « les dures épreuves, en matière de sécurité, de stabilité et de cohésion nationale » dont le pays a fait face l’année dernière à cause d’une « période pré et postélectorale très difficile ». Mais après ce constat, il préfèrera évacuer rapidement cette épisode et embrayer sur le présent en rappelant au passage que « l’Etat a assumé ses responsabilités en apportant les solutions indiquées, afin de renouer avec l’apaisement, la sérénité et la concorde dans notre pays ». Il rappellera la tenue prochaine du « double scrutin législatif et communal » en janvier et février qu’il espère « libre et transparente » afin de « confirmer la maturité politique de notre pays ». Ce sont pourtant ces garanties que l’opposition aura demandé, sans succès, durant de longs mois. Ce qui incita ses membres à boycotter ces élections.
Pourtant dans son discours, le Chef de l’Etat n’a pas manqué d’appeler à « la consolidation de la paix et de la stabilité dans notre pays » qu’il juge comme « conditions sine qua non à l’attrait des investissements étrangers dans notre pays ». Il faut se demander comment la paix et la stabilité seront possibles en l’absence d’un dialogue franc et sincère entre les forces vives du pays. Ancien chef d’Etat-major de l’armée, le colonel Azali n’a pas manqué de faire les yeux doux à ses « frères d’armes » à l’endroit desquels il a renouvelé ses félicitations et ses remerciements « pour leur engagement sans faille, dans l’accomplissement de leur mission, mais aussi pour leur dire, qu’en toutes circonstances, ils doivent montrer l’exemple, en matière de respect de la Loi et des Règlements qui régissent notre pays ». « Nul, y compris moi-même, n’est au-dessus de la Loi », a-t-il lancé.
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