Le parti présidentiel, la Convention pour le Renouveau des Comores (CRC) a tenu son 5e Congrès. Il a été marqué par la présence du chef de l’État et par l’absence de votes puisque ce dernier avait choisi et imposé son chef de cabinet comme secrétaire général du parti. Azali Assoumani a fait un long discours au cours duquel il s’adresse à l’opposition. Par Mahmoud Ibrahime
À l’approche des élections législatives et communales, les Comoriens s’attendaient à une cérémonie de regroupement des partis qui soutiennent l’action du chef de l’État et même à la naissance d’un grand parti présidentiel annoncé depuis plusieurs mois. Ils ont eu ces derniers temps des cérémonies d’allégeance, notamment celle de la Gouverneur de Ngazidja, puis le 5e Congrès de la CRC qui s’est tenu le 27 octobre dernier.
Le centralisme démocratique
Le parti dont le chef de l’État est président d’honneur depuis sa création en 2002 montre ainsi sa longévité, mais aussi le manque de démocratie en son sein. En effet, le directeur de cabinet du chef de l’État, Youssoufa Mohamed Ali dit Bellou a été choisi par le chef de l’État, Azali Assoumani, sans débat et il a été élu par acclamation, sans vote et sans concurrent. Dans son discours clôturant le Congrès, le président d’honneur du parti donne l’explication de la désignation de Belou, en faisant référence à la Chine et avec humour : « le centralisme démocratique » qui a permis d’éliminer les autres candidats en faveur de celui qu’il a désigné.
Le 5e Congrès de la CRC n’a donc pas été un moment de bilan, de réflexion, de changement ou de précision des orientations, ni même de débats. Il a plutôt donné l’impression d’un Congrès bâclé, préparé à la va-vite. À l’image de ce qui se passe dans le pays, un seul homme a imposé sa vision et les cadres et militants n’ont plus qu’à suivre.
Pourtant, il était prévu dans la matinée quatre ateliers de réflexion, ces ateliers ont été restreints à la réflexion sur les modifications des statuts (« juste les statuts »), qui doivent être adoptés par les Congressistes.
Auto-satisfaction
Après l’ouverture du Congrès, le Secrétaire général précédent, Yahaya Mohamed Ilyasse a présenté son bilan. Il s’est félicité et a félicité son équipe à plusieurs reprises dans un discours qui a souvent frisé la langue de bois (« Je me félicite et je vous félicite, car vous êtes restés en vie jusqu’ici »). Il a énoncé quelles étaient les deux missions qui lui avaient été assignées il y a deux ans : d’une part, préparer les militants et les Comoriens pour l’émergence en 2030, et d’autre part, préparer le Congrès. Il a donc, une fois encore, rajouter : « Je peux me féliciter, car nous y sommes ». Il a ensuite annoncé que le parti enregistre de nombreuses adhésions actuellement et qu’il a entamé des discussions avec le parti communiste chinois qui selon lui a beaucoup a apporté à la CRC. Le Secrétaire général sortant a fini son bilan en mettant à son compte tout ce que le gouvernement a accompli jusqu’à maintenant : les assises, le référendum de modification de la constitution et les élections présidentielles. Et il est satisfait sur toute la ligne et souhaite à son successeur de poursuivre, notamment les discussions entamées avec les partis extérieurs au pays. Après lui, les trois secrétaires généraux insulaires sont venus à la tribune exposer leurs points de vue.
« Bavardez ! Bavardez ! »
Dans l’après-midi, le parti a reçu des représentants de tous les partis politiques membres de l’Alliance pour le Mouvement présidentiel (AMP), ainsi que le chef de l’État et son épouse.
Le nouveau Secrétaire général a pris la parole, après l’ancien, qui a repris devant le président d’honneur son discours du matin.
Le discours de Belou était assez décousu, sans direction, difficilement saisissable. Par exemple dans un élan lyrique, il a affirmé que les Comores sont « sorties des pays du tiers-monde » pour devenir un pays intermédiaire.
Du début jusqu’à la fin il a appelé à l’unité des partis de l’AMP pour faire « un grand parti » ou pour gagner les élections. Mais, il a aussi défini son rôle en disant qu’il n’est pas le chef, car « le chef c’est al imam Ghazzali ». Il se contentera de suivre l’orientation définie. Le discours était aussi parsemé de louanges envers le chef de l’État. Il a également rappelé la séquence assises-référendum-présidentielles selon son point de vue et en ignorant les critiques faites sur l’organisation des élections. Le nouveau Secrétaire général a lui aussi cité longuement l’exemple chinois et particulièrement la discipline à suivre.
À la fin de son discours, avant de laisser la parole au président d’honneur, il s’adresse à l’opposition : « Bavardez, bavardez, nous travaillons et nous réussissons ».
L’unité avant tout
C’est sous les ovations, les chants et les danses que le « président fondateur et en même temps président d’honneur » de la CRC est arrivé à la tribune pour s’adresser aux congressistes.
Son discours commence par une explication du Coran. S’adressant à l’ancien président de Ngazidja, Abdou Elback, il a rassuré la mouvance présidentielle en affirmant qu’ils seront unis pour gagner les prochaines élections. Il justifie l’unité nécessaire des partis de la mouvance par les victoires obtenues pendant les assises, le référendum et les présidentielles. « Les élections présidentielles et des gouverneurs ne sont pas les mêmes que les élections des députés. Les stratégies que nous avons utilisées nous ne pouvons pas les utiliser maintenant » ; a-t-il annoncé.
En plus des citations et traductions du Coran, le chef de l’État s’est montré très spirituel et philosophe, comme jamais depuis qu’il est revenu au pouvoir. « Il faut penser à la fin », a-t-il déclaré à ses partisans. L’objectif de l’émergence, dit-il est de faire en sorte que ceux qui arriveront puissent encore prier pour ceux d’aujourd’hui. Azali Assoumani se soucie-t-il maintenant de l’image qu’il laissera aux futures générations ?
S’agissant du refus de l’opposition de participer aux législatives et communales ou sur la question de Mayotte, il a répété ce qu’il a toujours dit.
Pour lui, sur les deux affaires, l’histoire récente a montré qu’il n’y a pas besoin de la communauté internationale pour que gouvernement et opposition s’assoient pour discuter. Et il a ajouté que si la communauté internationale avait des solutions, elle aurait réglé le problème de Mayotte. Il a affirmé être prêt à discuter avec l’opposition, mais pas avec le Conseil National de Transition qui continue à ne pas le reconnaître comme président.
Sur Mayotte, longuement évoquée mais sans qu’on puisse vraiment dire ce qu’il veut réellement, il a dénié à l’ONU sa capacité à résoudre la question. Pour lui, il faut développer les Comores avant de réclamer Mayotte. Il a toutefois repris l’idée qu’il avait déjà lancée dans un meeting et qui avait choqué, surtout la diaspora. Sous le ton de la plaisanterie, il a demandé au président Macron de lui échanger les Comoriens de la diaspora par ceux de Mayotte.