Faute de moyens financiers et par manque de ressources humaines qualifiées, notre pays fortement touché par le diabète peine à prendre correctement en charge les personnes atteintes par cette pathologie. C’est en substance ce qui ressort du rapport annuel de l’ONG française Santé Diabète qui, depuis 2016, appuie le gouvernement comorien dans sa lutte contre cette maladie. Par Faïssoili Abdou
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« Le problème est assez sérieux », alertait, il y a deux ans, Fouad Mohadji, l’ancien vice-président en charge du ministère de la santé, en parlant de l’explosion des maladies non transmissibles dont le diabète dans l’archipel des Comores. Une situation qu’il attribue, en partie, à la « consommation excessive de la viande surgelée et des ailes de poulet venant du Brésil », mais aussi les produits transformés vendus dans les commerces. « Vous savez avec la mondialisation, la pandémie du diabète a réduit la planète terre à sa simple dimension d’un village. Avec l’internationalisation du commerce, à Paris comme à Moroni on mange pratiquement tous les mêmes produits », a-t-il souligné appelant à « manger comorien pour mieux se nourrir et pour être en bonne santé ». L’ancien vice-président qui s’exprimait alors dans une émission radio diffusée en décembre 2017 sur RFI, a estimé qu’il y a beaucoup de diabétiques dans l’archipel, mais qui ne sont pas connus faute de dépistage. Il évoquait alors les enquêtes menées en 2011 et 2013 qui évaluaient la prévalence nationale du diabète à près de 5 %. Un chiffre qu’il ne conteste pas, mais qu’il semble juger en deçà de la réalité. « On peut dire que près de 8 à 9% de la population est diabétique, mais plus de 80% ne connaissent pas leurs statuts », a-t-il démontré soulignant qu’ « ici, il y a un problème de culture qui se pose ». « Dans les pays du Nord ayant vécu ces maladies, il y a une culture de faire un bilan annuel alors qu’ici ce n’est pas encore le cas et ceux qui ont la volonté de faire ce bilan, les conditions ne sont pas encore réunies au niveau de toutes les structures sanitaires », a-t-il démontré.
Un constat qui rejoint en partie l’observation faite récemment par l’ONG Santé Diabète qui intervient dans l’archipel depuis 2016. En effet, dans son rapport annuel 2017-2018 rendu public la semaine dernière, cette ONG française qui intervient au Mali, au Burkina-Faso et aux Comores estime que la faible couverture des professionnels de santé dans l’archipel « ne permet pas encore aujourd’hui de fournir à la population des services de santé suffisants, notamment pour les Maladies Non Transmissibles (MNTs) qui sont devenues un fardeau épidémiologique dans l’ensemble du pays, avec l’exemple du diabète qui touche à présent 5% de la population ». Cette couverture est « seulement 1,90 médecin et 0,23 pharmacien en moyenne pour 10000 habitants et à peine 2,60 infirmiers pour 5000 habitants » note Santé Diabète dans son rapport.
Alors que la maladie prend de l’ampleur, les moyens financiers et humains ne suivent pas. Il n’existe pas encore des spécialistes du diabète dans le pays. On peut aussi constater que seulement 7% du budget national est affecté au secteur de la santé. « Durant longtemps nous avions croupi sous le fardeau d’autres maladies telles que la tuberculose, la lèpre, la fièvre typhoïde et le paludisme qui constituaient 60% des cas d’hospitalisations. Et durant ce temps on a cru comprendre que le diabète était une maladie des pays riches. Mais quand on a fini cette lutte notamment pour le cas du paludisme, on a découvert qu’il y avait des maladies qui étaient encore plus graves, les maladies non transmissibles, dont le diabète », a expliqué Fouad Mohadji pour démontrer le retard mis par les autorités sanitaires à prendre la mesure du ravage de ces maladies dans l’archipel.
Ainsi, en 2011, avec l’appui financier et technique de l’OMS, une enquête « Stepwise » sur les facteurs de risque des Maladies Non Transmissibles a été organisée aux Comores. Les résultats de cette étude montrent que la prévalence nationale du diabète est de 4,8%. Elle est plus fréquente chez les hommes (5,4%) que chez les femmes (4,3%). Les sujets plus âgés sont plus touchés que les autres avec 8,6% chez les 55-64 ans. Cependant, ce phénomène se présenterait différemment entre l’île de Ngazidja (4,2%), Ndzouani (5,2%) et Mwali (5,4%). Cette étude a aussi montré l’incidence importante des facteurs de risque du diabète aux Comores avec une incidence de l’inactivité physique de 6,9% (4,8 chez les hommes et 9,1% chez les femmes) et une incidence du surpoids de 20,1 % chez les plus de 20 ans (19,4% chez les hommes et 21,1 chez les femmes). Selon les spécialistes, les causes de l’accroissement rapide de ces maladies auparavant qualifié de « maladies des riches » sur le continent africain dont l’archipel des Comores est dû essentiellement à l’urbanisation rapide et aux changements des habitudes alimentaires. En plus de la sédentarité, les gens mangent trop sucré et consomment moins de légumes.
En 2015, avec l’appui de l’Agence française de développement, le gouvernement comorien a signé un partenariat avec l’ONG Santé diabète afin d’aider les autorités sanitaires locales à mettre en place une politique nationale de prévention et de lutte contre le diabète, mais aussi à établir un plan d’action concret sur le terrain pour endiguer la progression alarmante de la maladie tout en permettant un accès à des soins de qualité pour les patients. « Nous pensons que cette coopération avec Santé Diabète pouvait donner les bases nécessaires pour avancer vers la sensibilisation de la population et des professionnels de santé, mais aussi donner les soins de base afin que les patients puissent survivre le plus longtemps possible en attendant la formation de spécialistes », a souligné Fouad Mohadji. Selon les spécialistes, en Afrique, la progression alarmante du diabète aura des répercussions économiques et sociales très importantes, la condition (la maladie, NDLR) touchant les personnes dans leurs années de vie les plus productives. Le coût des soins du diabète pour les individus et les États, le manque de ressources humaines pour s’occuper du nombre accru de malades seront des freins importants à la réalisation des objectifs du millénaire sur l’éradication de la pauvreté.
Pour la période 2017-2018, l’ONG Santé Diabète indique avoir dépisté 6088 personnes présentant des facteurs de risques qui ont permis de diagnostiquer 488 nouvelles personnes atteintes de diabète, formé 184 professionnels de santé au diabète ainsi que trois associations de patients. L’ONG affirme aussi qu’elle a équipé les hôpitaux des trois îles de quatre lecteurs d’hémoglobine glyquée (les premiers du pays).
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