L’article IX de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dispose : « Tout homme étant présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable, s’il est jugé indispensable de l’arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s’assurer de sa personne doit être sévèrement punie par la loi ».
Au regard de la présomption d’innocence qui est, en Droit, un principe fondamental, la détention provisoire suscite souvent des crispations de la part des militants des droits de l’homme.
La privation de liberté
En effet, toute personne mise en cause dans une action publique est, en principe, présumée innocente jusqu’à ce que les faits viennent démontrer le contraire. Et pourtant, d’une certaine manière, la détention provisoire apparait comme une présomption de culpabilité. La personne détenue provisoirement commence à exécuter une sanction qui n’est pas encore prononcée et qui ne le sera peut-être jamais si son innocence apparait comme une évidence durant la procédure. Comme ça peut d’ailleurs arriver à un certain nombre de prévenus.
La détention provisoire est en version simplifiée, une privation de liberté prononcée à titre exceptionnel contre une personne mise en examen dès l’instruction. Dans le premier alinéa de l’article 144 du code de procédure pénale comorien, on peut lire ceci: « En matière correctionnelle, si la peine encourue est égale ou supérieure à deux ans d’emprisonnement et si les obligations du contrôle judiciaire sont insuffisantes au regard des fonctions définies à l’article 137 (NDLR : le contrôle judiciaire et la détention provisoire ne peuvent être ordonnés qu’à raison des nécessités de l’instruction ou à titre de mesures de sureté et selon les règles et conditions énoncées ci-après), la détention provisoire peut être ordonnée ou maintenue ». Et il convient d’insister là-dessus ; la détention provisoire ne peut pas être ordonnée ou maintenue comme cela, dans l’immédiateté. Beaucoup de facteurs entrent en considération. Le juge d’instruction doit estimer que la détention provisoire est le seul moyen de conserver les preuves ou les indices matériels ; d’empêcher une pression sur les témoins, une concertation entre complices ; ou pour tout simplement préserver l’ordre public, entre autres.
Une durée limitée pour la détention ordinaire
Dans la pratique, deux situations peuvent aboutir à une détention provisoire. Primo, lors d’une information judiciaire. Celle-ci est une enquête menée par le juge d’instruction afin d’établir la culpabilité ou l’innocence d’un individu. Secundo, la comparution immédiate. Ici, le procureur de la République qui décide d’éviter les enquêtes préalables présente directement le suspect devant le juge ; et à l’issue de cette comparution, le juge peut décider de le placer en détention provisoire. Trois possibilités se présenteront au juge d’instruction: Il peut décider du placement en détention provisoire pour une période déterminée ; ne pas recourir à la détention provisoire ou ordonner le placement sous contrôle judiciaire. Sachant que l’inculpé peut toujours contester l’ordonnance qui le place en détention provisoire.
La durée de la détention provisoire a elle aussi fait l’objet de plusieurs débats malgré la « bonne volonté » du législateur pour l’encadrer. Selon la loi, elle ne peut normalement excéder quatre mois. «La détention ne peut excéder quatre mois. Toutefois à l’expiration de ce délai, le juge d’instruction peut la prolonger par une ordonnance motivée comme il est dit à l’alinéa précédent. Aucune prolongation ne peut être prescrite pour une durée de plus de quatre mois ». Deuxième alinéa de l’article 145 du Code de procédure pénal comorien. C’est la théorie, mais la pratique est parfois différente. Surtout qu’il est question ici de la détention provisoire ordinaire.
Certains prévenus peuvent quant à eux rester détenus à titre provisoire comme annoncé jusqu’à l’expiration de la durée normale et de sa prolongation. Ces situations sont possibles en partie à cause de la loi qui laisse la possibilité à une nette extension de la détention provisoire. Le cas d’un délit n’est logiquement pas le même que celui d’un crime. Pour une personne qui n’encourt pas une peine supérieure à cinq ans et qui n’a été jusque là condamnée pour crime ou délit de droit commun, sa détention provisoire est nettement encadrée.
« Lorsque l’inculpé n’a pas déjà été condamné pour crime ou délit de droit commun, soit à une peine criminelle, soit à une peine d’emprisonnement sans sursis d’une durée supérieure à trois mois et lorsqu’il n’encourt pas une peine d’emprisonnement supérieure à cinq ans, la prolongation de la détention prévue l’alinéa précédent ne peut être ordonnée qu’une fois et pour une durée n’excédant pas deux mois ». Ce qui est différent dans les cas les plus graves.
Les détentions provisoires exceptionnelles
Pour un crime, la détention provisoire peut aller jusqu’à deux ans dans la pratique. Aux Comores, dans une démarche de lutte contre la corruption dans la vie publique, la Loi N°08-018/AU du 25 juillet 2008 relative à la Transparence des Activités Publiques, Economiques, Financières et Sociales, adoptée le 26 décembre 2013 est beaucoup plus sévère dans la procédure. Elle a particulièrement élargi le champ d’action du ministère public et a repoussé certaines limites. Elle dispose à cet effet, dans son article 19 que: « Pour les infractions visées par la présente loi, la détention préventive des inculpés sera obligatoire et toute demande de mise en liberté irrecevable ». C’est une disposition qui laisse la porte largement ouverte à pas mal d’écarts. Elle peut même devenir une disposition fourre-tout pour celui qui souhaite faire valoir ses motivations répressives. En vertu de cet article, des droits pourraient être piétinés avec la caution de la loi. Le cas de l’ancien président de la République Ahmed Abdallah Mohamed Sambi est celui qui fait le plus débat actuellement.
En tout cas, la justice n’est pas l’affaire d’une personne, mais celle de tous. Le législateur et le magistrat ont chacun une part de responsabilité dans le pouvoir judiciaire. Et pourtant on a tendance ne seulement voir que le ministère public qui n’est pour bien des cas, qu’un exécutant.
Mounawar Ibrahim,
Juriste