Il est venu, il a vu, mais contrairement à Jules César, il n’a pas vaincu. C’est précisément, lui qui a perdu la manche dans cette bataille qui touche directement l’intégrité de l’archipel des Comores telle que reconnue par le droit international. La signature à Paris de la « feuille de route conjointe » entre la France et les Comores suscite l’incompréhension dans l’archipel des Comores certains parlant de « haute trahison ». Faissoili Abdou
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En visite officielle en France, le président Azali Assoumani est reçu lundi 22 juillet dernier à l’Élysée par son homologue Emmanuel Macron. Entre accolades, sourires complices et chaleureuses tapes dans le dos, les deux dirigeants ont dévoilé à la presse la signature, entre les deux pays, d’une « feuille de route conjointe » visant à engager « une nouvelle dynamique de partenariat » entre la France et les Comores. Le document-cadre signé quelques heures auparavant entre Soeuf Mohamed Elamine, ministre comorien des affaires étrangères et son homologue français Jean-Yves Le Drian, prévoit notamment le financement par la France, à hauteur de 150 millions d’euros, d’un « plan de développement France-Comores » pour la période 2019-2021. Les secteurs visés sont la santé, l’éducation, la formation et l’insertion professionnelle des jeunes, l’emploi, l’agriculture et le développement rural. Visiblement très satisfait, le président Azali a salué un « projet ambitieux » qui devrait « servir d’exemple pour les autres partenaires des Comores ».
En contrepartie de cette enveloppe accordée par la France, le gouvernement comorien s’engage à démanteler sur son territoire toute la filière de la traversée clandestine vers Mayotte.La carotte et le bâton. Il est écrit dans le document que la France et les Comores prennent des « engagements réciproques en matière de lutte contre les mouvements de populations non maitrisés et de sauvegarde de vies humaines en mer ».Des informations sur le terrain annoncent d’ailleurs que ces mesures sont déjà mises en place dans certaines localités de l’île d’Anjouan où seraient opérées des arrestations et des destructions des embarcations. Emmanuel Macron soutiendra devant les journalistes que ces « mouvements de populations incontrôlés, qui avaient profondément perturbé l’organisation des services publics à Mayotte et pesaient sur nos concitoyens (les Mahorais, ndlr), s’étaient accompagnés de drames en mer ». Il apparait clairement que c’est ce phénomène que les autorités des deux pays visent à enrayer. Ici, nous sommes loin du discours de François Mitterrand qui, lors d’une visite en 1990 à Moroni,bien avant la mise en place en 1995 de ce mur virtuel qu’est le visa Balladur entre Mayotte et les trois autres îles de l’archipel, avait plaidépour la mise en place de « mesures qui permettront une communication et des échanges constants entre Mayotte et les autres, les autres et Mayotte. Qu’il n’y ait plus de barrières dressées, barrières théoriques, mais peu franchissables, entre tous les Comoriens que vous êtes, eux et vous. Et que la France vous aide à retrouver votre très ancienne solidarité ».Le président Azali qui aime répéter les paroles de Mitterrand parlant du « contentieux désagréable » sur Mayotte ne devrait pas ignorer que la ligne défendue par la partie comorienne depuis l’instauration du visa Balladur, c’est justement de rompre les barrières entre Mayotte et les autres îles de l’archipel.
Or, dans ses grandes lignes, le document signé à Paris ambitionne justement de renforcer ces barrières sous couvert de la lutte contre « l’immigration clandestine à Mayotte», cheval de bataille des élus maorais. Dans un communiqué, ils n’ont d’ailleurs pas tardé à saluer cette « ouverture d’esprit des îles qui ont fait le choix de l’indépendance pour fonder l’Union des Comores » voyant dans la signature de cet accord « un début de prise en compte du libre et volontaire choix des Mahorais d’une décolonisation par intégration de Mayotte à la France ».
Alors que jusque là la ligne directrice de la politique comorienne était la suppression pure et simple du visa Balladur, c’est d’ailleurs l’une des recommandations des « Assises nationales », le régime en place a donc décidé de céder sur toute la ligne provoquant ainsi l’incompréhension dans l’opinion publique. L’union de l’opposition crie à la « haute trahison » tandis que le conseil des Comoriens de l’extérieur pour la démocratie (CCED), basé en France parle d’un « accord de la honte ». Pour le CNT à travers ce rendez-vous à l’Élysée, le président Azali espérait « se donner une légitimité qu’il n’a pu avoir à travers les urnes lors de son hold-up électoral du 24 mars dernier. Et le prix à payer fut de franchir la ligne rouge en reniant à la souveraineté nationale des Comores sur Mayotte, ce qui est considéré par la constitution comme une haute trahison à la nation ».
La diaspora comorienne en France fortement mobilisée depuis mars dernier a également joué sa partition en traquant et conspuant les membres de la délégation présidentielle dans ses différents rendez-vous en France.
Qu’on se le dise ! Loin de ces joutes politiques, il faut reconnaitre que la diplomatie comorienne a perdu beaucoup de plumes dans cette affaire. Le panneau planté à Moroni proclamant fièrement « Mayotte est comorienne et le restera à jamais » doit faire grise mine. En effet, à travers cet accord, le gouvernement semble reconnaitre implicitement que Mayotte est un territoire étranger. Pire, il accepte de jouer la police pour une puissance étrangère contre des espèces sonnantes et trébuchantes. Ainsi, le discours officiel au sujet de la souveraineté des Comores sur Mayotte et la libre circulation des personnes et des biens entre les îles de l’archipel a soudainement pris un coup dur. Désormais, tout cela sonne creux. Il est clairement établi qu’il y a un énorme décalage entre le discours officiel et les actes posés par les autorités. Et cela même, lorsqu’en évoquant le contentieux territorial sur Mayotte, sujet de « désaccords » entre la France et les Comores, le président Azali, comme son homologue français,a affiché leur volonté de parvenir à une « solution juste et équitable » à cette questionavec « l’implication effective de nos frères et sœurs de Mayotte », plaidera Azali rappelant la formule du « dialogue tripartite ». Shuwarawantruwararu…
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