Après des mois de bras de fer, un comité de gestion de l’université a été installé. Son président, Abdullah Ben Said fait le point après quelques mois d’exercice. Ses missions, la rentrée et la santé financière de l’institution.
Masiwa : Cela fait deux mois et quelques jours que le comité dirige l’Université des Comores, quel bilan faites-vous?
Abdullah Ben Said : Nous avons été nommés ici avec des missions précises à exécuter. La première est d’assurer la gestion de l’udc. La deuxième est de réviser les textes régissant l’institution. La troisième est d’effectuer un audit comptable et financier. Et de préparer les élections du président de l’udc.
Concernant la gestion, nous avons effectué la rentrée universitaire le premier octobre dans des conditions difficiles. Beaucoup de problèmes financiers soulevés, les caisses de l’université étaient totalement vides. Il n’y avait que 13millions. Or cet argent était déjà affecté au paiement des enseignants. Il fallait demander à l’Etat d’augmenter encore sa contribution.
Deuxième contrainte la capacité d’accueil est insuffisante. Les salles n’arrivent pas à contenir le flux des étudiants surtout à Mvouni, à la faculté des lettres et droit. Les chaises aussi sont insuffisantes. Le matériel informatique est vieux. Il est très urgent de mettre des mobiliers dans ces salles. D’autres problèmes plus profonds que nous allons résoudre rapidement, est la gestion des formations à l’intérieur des salles. J’ai déjà ordonné qu’on achète une sonorisation. J’ai enseigné à Mvouni, alors je sais ce que cela fait d’avoir la voix cassée. Souvent l’administration est défaillante sur ce site. Nous allons faire en sorte d’équiper ces grandes salles. Ce phénomène a commencé il y’a déjà 6ans et n’a jamais été résolu.
Masiwa : Etes-vous au courant de la décision du Ministre de l’éducation de construire des grandes salles ?
ABS : aujourd’hui, j’ai rendez-vous avec le ministre. Mais sur ces propositions, je les ai apprises à travers votre journal. Le plus important est que les étudiants soient en sécurité que le toit soit en tôle ou en bétons. Ces salles doivent être construites par des vrais professionnels. Là je serais exigeant.
Deuxième axe sur la rentrée est la régularisation de certains actes administratifs. Car tout ce qu’on fait à l’université doit suivre les textes. Et Nassurdine Ali Mhoumadi, président par intérim, a crée un service d’archives qui n’était pas prévu dans l’organigramme.
Masiwa : est ce que l’udc n’a pas besoin d’un service d’archives ?
ABS : Si, d’ailleurs, nous l’avons gardé dans la pratique mais comme ce n’était pas prévu dans le programme, nous l’avons annulé la création sur le papier et avons gardé les agents.
Masiwa : N’est-ce pas un peu hypocrite ?
ABS : Non, car il faut respecter les textes. Sinon on va droit vers le désordre. Mais l’organigramme avait prévu un archiviste. Et cette création de tout un service, a été suivie par trois personnes recrutées. Nous l’avons gardé et attaché au service au secrétaire général.
Pour continuer sur les réalisations, nous avons engagé des mesures de sécurisation des recettes. Car l’année dernière les droits de préinscription étaient collectés puis dépensés sans entrer dans les comptes bancaires. Donc l’argent était employé d’une manière brute qui ne suivait pas les règles. Aujourd’hui on se trouve avec plein d’irrégularités financières.
Masiwa : Qu’est ce que vous voulez dire par irrégularités?
ABS : C’est lorsque on dépense de l’argent sans suivre le protocole. Les fournisseurs étaient payés en espèce. Il y’a eu beaucoup d’opacité financière. Des paiements à hauteur de trois millions payés à la main. Ce n’est pas normal. Et cela a entraîné beaucoup de fuite de fonds. Nous avons déjà corrigé ce problème là. L’argent est placé dans un compte bancaire. Il n’ya plus d’espèce qui traîne ici.
Concernant l’enseignement, les enseignants de l’udc ont une charge d’horaire spécifique. Les contractuels ont 156 heures. Beaucoup ne travaillent pas complètement. Les coupables sont les chefs de composantes qui ne leurs donnent pas la charge d’heures adéquate. Pour les maîtres conférences 12 heures et les maîtres assistant 14 heures. En plus, ils proposaient des contrats à des personnes extérieures. Cette situation générait des coûts élevés. Nous sommes obligés de payer des heures supplémentaires alors que ceux qui devraient les faire ne sont pas utilisés proprement. C’est beaucoup d’argent que nous perdons à ce niveau.
Masiwa : Combien l’udc a-t-elle perdu sur ces contrats ?
ABS : Beaucoup d’argent, c’est-à-dire à hauteur de 60 millions. Les contrats de vacation et les heures sup. C’est un chantier qui me tient à cœur. Certaines facultés refusent le mécanisme de signature mis en place. Mais j’exige que cela soit suivi. Et si jamais il n’est pas respecté, les heures supplémentaires ne seront pas payées. C’est tout.
S’agissant de la révision des textes, ce travail a déjà commencé avec Nassurdine. Sur ce point je le remercie beaucoup. Le travail n’est pas encore fini. Nous avons discuté samedi dernier en réunion avec les responsables. Nous avons décidé que le samedi 2 novembre, ceux qui ont assisté à ces travaux vont nous faire la restitution. Nous procéderons après à une première évaluation. Appeler les experts sélectionnés le samedi suivant pour leur donner le travail qu’ils devront faire. Ils devront finir en l’espace de 2 semaines. Après nous passerons à l’évaluation finale. Ces textes doivent permettre l’évolution de l’institution. Nous n’allons pas faire des textes pour des textes comme les années passées. Car les textes de l’udc sont budgétivores. On va essayer de réduire au maximum dans les organigrammes, les postes pour diminuer les dépenses. Il y’a des départements, qui ont un doyen, un directeur, un adjoint, et quelque part aussi un secrétaire, un attaché, un missionnaire. Pourtant c’est un travail qui devrait être effectué par une personne. C’est un peu trop pour un axe. Nous allons supprimer ces redondances. Supprimer les postes des adjoints et chargés de mission qui ne servent à rien.
Il faut donner dans ces textes plus de poids aux services techniques. Car c’est l’handicap qui règne à l’udc. Les cadres ont besoin de formation. L’administration, doit exiger des niveaux de compétences et d’expériences assez élevés. Actuellement, on utilise les enseignants recrutés pour l’enseignement pour des tâches administratives et cela affaiblit les formations. Et on est obligé de recruter des enseignants en dehors pour faire le boulot. C’est complètement aberrant. Nous allons faire en sorte que toute personne recrutée pour l’enseignement enseigne et fasse des recherches. Seuls des administrateurs seront dans la gestion.
Masiwa : Qu’en est-il des finances de l’université ? Car cela fait pratiquement deux ans qu’elle fonctionne sans budget.
ABS : on vient de me présenter des impayés de factures d’un montant de 170 millions datant de la rentrée 2017-2018. Les recettes hors projet si je fais confiance aux chiffres qu’on m’a fourni sont de 1 milliard 871 millions, l’année dernière. Si je rajoute les dépenses impayées, qui seraient environ 170 millions et en considérant que tous les fonds ont été considérablement dépensés, alors les dépenses de l’udc s’élèveraient à un montant de plus de 2 milliards. Face aux recettes propres des inscriptions d’un montant de 567 millions 970 milles. L’université aurait besoin pour finir l’année de 367 millions. Mais il y’a un gap de plus de 30 millions dans les finances. Pourquoi ? C’est la gestion de l’autre. Moi j’explique la situation. Dans ces conditions nous allons puiser dans les recettes 2018 pour payer les 130 millions. Ce qui va engendrer encore pour cette année 2018-2019 des problèmes financiers. Plus de 490 millions est le montant qu’il nous faudra pour boucler l’année.
Masiwa : A quand les élections du président de l’université?
ABS : Les élections seront organisées selon les textes. Je parle des textes révisés.
Masiwa : Et que prévoient les nouveau textes ?
ABS : nous n’avons pas encore abordé cette phase là. Vous le saurez dès que ça sera fait. Mais elles auront lieu car cela fait parti de nos missions, selon notre calendrier, au mois de janvier 2019.
Masiwa : comment expliquez-vous que le scénario des « propositions sur mesures » (cf Masiwa du 20 août), présentées en catimini à la présidence, se réalise aujourd’hui?
ABS : je n’étais pas dans les réunions des syndicats. Dans aucune réunion d’ailleurs. Après, les responsables du syndicat des enseignants m’ont appelé. Ils m’ont dit qu’ils voulaient que je sois dans le comité. Pas président, uniquement que je fasse partie du comité. Ils avaient besoin de mes compétences en tant que financier. Ils voulaient aussi des personnes qui ont de l’expérience. C’était après leur convocation à Beit-Salam.
Masiwa : A quand un règlement intérieur à l’UDC, surtout compte tenu des constats faits dans les rapports enseignants-étudiants ?
ABS : Il faut un règlement intérieur. Et cela fait partie des textes initié par Nassurdine.
Masiwa : les textes initiés par l’ancien président par intérim, n’ont pas intégrés ces normes. D’ailleurs les étudiants n’ont que des devoirs mais pas de droit.
ABS : C’est une omission importante qu’on va essayer de corriger.
Masiwa : Qu’en est-il alors du conseil de discipline. Car là aussi, à l’udc cette entité est absente. Est-ce que c’est dans les plans du comité ou pas ?
ABS : Cette dernière sera aussi créée, et va travailler en permanence, d’une manière régulière. Il siégera une fois par mois. Ces missions seront publiées pour que les étudiants puissent avoir une instance où ils ou elles peuvent déposer leurs plaintes, si toutefois, leurs chefs de département ou doyens ne répondent pas à leurs attentes. Cela nous permettra aussi de limiter certaines déviances.
Propos recueillis par Hayatte Abdou