Ancien journaliste, Ahmed Abdallah Mgueni est le frère cadet du capitaine Rachadi Abdallah. Il évoque la mémoire de son frère disparu, et pour dissiper les rumeurs sans fondement, il affirme que son frère était malade.
Propos recueillis par Mahmoud Ibrahime
Masiwa – D’après vous, quelle image restera du capitaine Rachadi Abdallah qui nous a quittés la semaine dernière ?
Ahmed Abdallah Mgueni – On se souviendra de lui tout d’abord comme un homme de rigueur et surtout de conviction. Il a toujours impressionné par son travail partout où il est passé. Ce n’est pas par hasard qu’il est sorti diplômé de la prestigieuse école de Saint-Cyr. Ses frères d’armes le diront, à Kadani il n’a jamais triché.
Ensuite, on va garder de lui son côté sociable. Il aimait les gens et la famille. Il parlait avec tout le monde sans exception, toujours prêt à aider.
Masiwa – Quelles sont les circonstances de sa mort ? Est-il possible de le savoir pour dissiper les rumeurs qui ne manqueront pas de monter dans le pays et dans les réseaux ?
Ahmed Abdallah Mgueni – Rachadi était malade depuis deux ans. Il avait eu un AVC, mais en bon soldat, il s’était battu et il reprenait peu à peu ses forces. Il y a deux mois, il a fait une opération du cœur. Il avait une santé fragile et d’ailleurs, on lui avait conseillé de ne pas rester longtemps aux Comores. Malheureusement, il a fait une autre attaque cinq jours avant son décès et cette fois, cela lui a été fatal.
En vrai militaire, il s’est battu contre la maladie et personne ne pouvait le sentir de l’extérieur.
Masiwa – Quelles qualités ont pu mener le jeune Rachadi Abdallah à la prestigieuse école de formation de l’élite militaire française, Saint-Cyr ?
Ahmed Abdallah Mgueni – Rachadi était un grand sportif de nature. Il était champion des Comores d’athlétisme et il a même représenté les Comores aux jeux des îles. Il était aussi joueur de football du Rapide club de Moroni. Et depuis son plus jeune âge (à l’époque d’Ali Soilihi), il avait une petite armée de jeunes du quartier qui défilait lors de la fête nationale. Donc lorsqu’après le bac, il a vu le lancement du concours pour entrer dans une école militaire, il n’a pas hésité. Et il est sorti premier de ce concours.
Masiwa – Selon vous, avait-il des projets qu’il n’avait pas encore pu réaliser aux Comores ?
Ahmed Abdallah Mgueni – Je viens d’apprendre qu’il avait contacté un éditeur pour écrire ses mémoires. Je ne sais pas s’il avait commencé l’écriture ou pas, mais une chose est sûre, ce projet n’a pas pu aboutir.
Masiwa – Quels étaient ses projets ces derniers temps aux Comores ?
Ahmed Abdallah Mgueni – Récemment, il avait fait un parking payant. Il avait recruté des vigiles pour sécuriser les voitures qui étaient souvent cambriolées pendant la nuit.
Masiwa – On peut dire que le capitaine aimait les traditions du anda, il était tous les ans au pays pour participer aux divers mariages, peut-on dire que c’était un refuge pour lui ?
Ahmed Abdallah Mgueni – Au début, il s’opposait fortement au anda. Mais, il avait changé d’avis. Et depuis qu’il avait fait le sien, il était toujours présent comme un vrai acteur, pas seulement un figurant. Sociable qu’il était, il ne pouvait manquer une cérémonie du « anda ». Il aimait aussi être le porte-parole des familles des mariés. On pourrait considérer ses activités coutumières comme un passe-temps.
Masiwa – Il n’est pas simple de perdre un grand frère aussi présent, au-delà de cette grande perte, que ressentez-vous aujourd’hui ?
Ahmed Abdallah Mgueni – C’est difficile de perdre un être cher surtout quand on est loin. C’est comme si tu ne peux pas faire le deuil comme tu n’as pas assisté à l’enterrement. Rachadi était plus qu’un frère, c’était le père et le chef de la famille. Il va laisser un vide qu’on doit combler, difficilement, car il avait le verbe ajouté à la rigueur militaire. Il pouvait désamorcer une bombe en quelques secondes. On peut dire qu’on est redevenu orphelin.