Je lis dans le besoin de me retrouver devant mon monde insulaire. Tout comme je lis pour mieux me retourner afin de bien regarder autrui en face de moi. « Kamar Al-Koweït » est un roman écrit par un médecin de formation. « Les dessous du naufrage » accompagne le titre que l’auteur donne à cette histoire dans laquelle chacun peut se retrouver facilement, s’il se reconnaît ou reconnaît une personne parmi les personnages à travers l’utilisation des formules de politesse dans le roman. Si c’est le naufrage en question, qui a été ce fil conducteur pour rentrer directement dans cette littérature, celui-ci m’a fait plus voir l’utilisation des formules de politesse aux Comores et qu’importe la circonstance chez certaines sensibilités.
Alors, lorsque je lis « Kamar Al-Koweït », j’ai de l’inspiration pour écrire de la poésie. Et lorsque j’écris de la poésie, cela donne ceci :
Ne sois plus qu’une langue
Qui séduit
Qu’une rencontre
Qu’une formule
De politesse
Qui nous atteste
Ni ce qui nous arrange
Et qui détruit !
Oui ! Une utilisation d’une formule qui révèle la manière d’être et être dans chaque société des Comores. En effet, les îles sont nées d’une civilisation de tradition bantoue et elle s’est mariée de force avec une civilisation de tradition arabe. Sans trop spolier le travail de l’auteur, j’y vais relever mes formules retenues pour écrire encore de la poésie… ! Car ce que je révèle ici n’est que la sensibilité d’un lecteur poète. Ma propre sensibilité !
« Le Dr Boudra cria devant le portail entrouvert la coutumière formule pour entrer chez autrui : – Hodi ! [Quelque chose comme « Y a-t-il quelqu’un dans cette maison ? »]
La réponse lui revient aussitôt de l’autre bout du jardin.
- Hodina ! Karibu. [Oui ! Vous pouvez entrer.]
La voix est celle d’une femme, probablement l’épouse du commandant, pensa le médecin. Mais il savait que sa déduction avait une forte chance d’être erronée. Cette voix pouvait être celle de sa mère, de sa belle-mère, d’un grand-parent, d’une cousine ou d’un autre membre de la famille, aussi bien du côté du commandant que celui de sa femme. La notion de chez soi ayant une connotation toute particulière dans les familles comoriennes, différentes générations se côtoyaient et vivaient le plus souvent en harmonie…
Le dépositaire de la voix mit fin au suspense. Non seulement elle avait reconnu immédiatement le médecin, mais elle ajouta : - Mon mari vous attend [Mumé wangu asihulidra]. Son oncle, Mwégné Tocha [Monsieur Tocha qui, ailleurs, Mwégné Tocha aurait été nominé par Ba Foulani, Papa untel ou unetelle], l’avertit que vous alliez passer le voir…
Surpris par cet accueil, le Dr Boudra ne put que balbutier un « Kwézi » [Mes respects, forcement accompagné d’un Bwéni, genre Kwézi Bwéni dans la descendance de tradition arabe et ailleurs Kwézi Mama dans la tradition bantoue ; cela peut aussi varier selon les influences dominantes de la personne quelle que soit l’origine, mais plutôt sa localisation géographique d’influence] et d’un « merci » [Marahaba] à la femme du commandant ».
C’est en lisant des extraits que je spolie ce texte malgré mon inintention, que je ne puis m’empêcher d’écrire de ma poésie. Alors c’est une « trouvaille » qui appelle ma lyre :
Qui elle,
Demande à ce que nous apprenions nos formules
Aux autres
Avec l’intention d’apprendre les leurs.
Nos pudeurs
Nos valeurs
Qui sont communes
D’origines différentes
Mais toutes issues des îles de la « Lune »
Et qui ne peuvent être que ce mariage forcé avec un amour jalousement réciproque de nos deux civilisations
D’où nos mal conversations
Puisque nos émotions
Peu importe leurs intentions
Ne sont que nos réactions
Et toute dichotomie maladroite ne serait qu’une honte !
Alors je me mets encore à lire des extraits de « Kamar Al-Koweït ». Ahmed Bacar Rezida Mohamed, l’auteur de cette littérature, je le surprends en m’introduisant clandestinement dans son texte. Il oublie qu’il est auteur et touche une sensibilité particulière. Dans cet extrait, Latéral reçoit l’estime de l’humain, du médecin et plus que celui de l’auteur…
Et on lit : « j’ai vécu l’enfer durant des années. Bien sûr, c’était encore plus difficile pour lui à l’extérieur. Puis aux voix, se sont ajoutés les gestes. Il s’est mis à tâter le sol. On aurait dit qu’il cherchait à attraper des choses qui n’existaient pas. Pourtant, on ne lui connaissait pas des troubles de la vision. Il était capable de mettre un fil dans le chas d’une aiguille. Le plus honteux était…
Il se mettait à imiter ces prêcheurs sur le mihrab à la mosquée du vendredi et à huer l’air comme un chien…
D’ailleurs, les jeunes du quartier n’ont pas tardé à tous le surnommer le « renifleur », oubliant qu’il s’appelait Mwégné Latéral ».
Alors laisse-moi
Être un fou solitaire
Croire que je suis seul sur terre
Laisse-moi
Être un humain Vivre la vie comme festin
« Puis, après « Chien renifleur », il a été qualifié de fou » mais l’auteur le veut Mwégné Latéral
Plus loin ailleurs, il serait Laté
Ou Bo Laté
Tout simplement Latéral
À la fin du texte, Ahmed Bacar Rézida Mohamed rend à la folie
Et le poète que je suis succombe
Puisqu’il lit
« A
Bwéni Roihamatou Magouni
Kankalé
Pompidou
Latéral
Méssié Abou [Monsieur Abou]
John
Et les autres »
Puisqu’il y a toujours l’autre qui attend notre considération !
Salec Halidi Abderemane, poète