Pendant cette période de ramadan, les Comoriens ressentent encore plus le poids de l’inflation. Les menaces contre les commerçants qui augmentent les prix n’ont eu qu’un effet marginal. À Anjouan, les difficultés sont flagrantes depuis le début du mois de ramadan.
Par Naenmati Ibrahim
Bien se nourrir est très important pour le mois du jeûne et pour cela les Anjouanais consomment plus de nourriture durant ce mois sacré que pendant les autres mois de l’année. Par conséquent, ils préfèrent consommer des produits qui viennent de leurs terroirs tels que bananes, manioc, tarot, patates douces et fruit à pain. Même si le riz est l’aliment de base.
Ces dernières années, les légumes locaux sont très appréciés, à l’instar des salades, des carottes, des choux, des concombres qui sont entrés dans les menus de l’iftar.
La vie devient de plus en plus chère dans l’Union des Comores. Ainsi, pour le ramadan à Anjouan cette année, la situation est compliquée pour les habitants puisque les produits vivriers et maraîchers sont devenus très couteux à tel point que beaucoup préfèrent s’en passer. Dans les marchés, certains clients touchent les aliments et les laissent ensuite parce que les prix ne sont pas abordables, d’autres hésitent un peu, mais achètent en serrant les dents parce qu’ils n’ont pas le choix. Même le piment est devenu trop cher. Il arrive qu’on tombe sur des endroits en dehors des marchés où l’on trouve des produits avec de bons prix, mais ce n’est pas tous les jours qu’on trouve ce genre d’occasion. Pour ce fait, les gens sont obligés d’aller au marché pour acheter les produits nécessaires à des prix exorbitants comme tout le monde ou choisir de manger du riz pour rompre le jeûne, parce que les moyens ne permettent pas d’acheter les aliments qui sont les plus prisés pour un bon iftar.
Des prix exorbitants pour les produits locaux
Les marchands qui ont déjà doublé les prix des produits vivriers depuis trois ans à cause du coronavirus qui avait chamboulé l’économie mondiale en faisant grimper les prix de toutes les marchandises ont décidé, cette année, de réduire la quantité de produits en faisant de plus petits tas, mais en gardant les mêmes prix. Auparavant, on achetait un tas de maniocs ou de patates pour 500KMF et avec deux tas pour 1000 KMF, on pouvait faire un repas d’iftar pour une famille. Maintenant, ce n’est pas possible, car un tas de maniocs ou de patates de 1000 KMF n’est pas du tout suffisant et même le double ne suffit pas. C’est le cas pour la banane qui depuis trois ans se vend 2000KMF le tas. Mais, aujourd’hui, un tas de bananes de 2000KMF équivaut au tas de bananes de 1000 KMF de l’époque.
Pour le tarot cultivé dans l’ile, il a toujours été très cher puisqu’il se vend toujours à 2000KMF pour un tas et pour acheter du tarot moins cher les consommateurs achètent celui venu de Madagascar. Mais cette année même le tarot de Madagascar est cher, car on le trouvait à 750 KMF le kilo et 900 KMF quand le prix montait et maintenant il se vend â 1250 KMF et 1150 KMF le kilo.
En outre, il faudrait avoir 4000KMF pour arriver à acheter un de ces produits locaux pour faire un repas suffisant pour un iftar pour toute une famille. Et il faut encore acheter les autres aliments pour cuisiner un repas complet, notamment la viande, le poisson ou le poulet et les autres ingrédients comme l’huile, le sucre, le lait, la farine de maïs ou de blé ou même de manioc pour le bouillon, les oignons et les épices, etc. Donc pour certains, le mieux c’est d’acheter du fruit à pain qui est moins cher, car trois fruits à pain coûtent 500KMF et un gros vaut 250KMF. Toutefois cela reste un problème, car le fruit à pain est connu pour troubler la digestion surtout durant ce mois de jeûne ou l’appareil digestif doit s’habituer à un autre fonctionnement, ce qui donne des ballonnements à certains.
Les années précédentes, le gouvernement semblait s’intéressait aux prix des aliments et même des produits vivriers. Des gendarmes faisaient des patrouilles pour contrôler les prix dans les petits et grands marchés et dans les magasins surtout de Mutsamudu, chef-lieu de l’ile, pour éviter que chaque commerçant ne fixe son prix. Cette année, à Anjouan, le gouvernement semble ne pas s’intéresser aux prix des aliments et il n’y a donc pas de prix fixes pour les aliments.
De nouvelles habitudes alimentaires pour rompre le jeûne.
Comme les produits vivriers sont devenus trop chers, beaucoup préfèrent manger du pain et du thé pour rompre le jeûne, ensuite ils mangent du riz pour le « tsahu » (de l’arabe « sahour », repas qu’on mange au milieu de la nuit pour pouvoir jeûner le jour suivant). Et comme la farine est un peu moins chère avec 600 KMF le kilo, d’autres préparent des gâteaux salés ou même des crêpes sucrées pour remplacer les bananes, le manioc et les aliments habituels. Pour ceux dont les moyens sont insuffisants, ils mangent du riz.
Même si les prix de quelques produits importés ont baissé légèrement pour ce mois béni du ramadan, comme le prix du sucre, qui était à 750KMF et qui est maintenant à 650KMF dans certains magasins et 700KMF dans d’autres. L’huile connait aussi cette tendance, son prix était passé à 1500KMF le litre ou à 1400KMF et maintenant il est descendu à 1000KMF le litre pour celui des bidons de 10 litres et 20 litres et 1200KMF pour celui des bouteilles de un litre. Néanmoins cette légère baisse de certains prix ne change en rien à la situation générale, car l’argent manque dans l’île, puisque la majorité des Anjouanais vivent sous le seuil de la pauvreté.
L’iftar est un moment agréable qui ressemble à une fête donc avoir à sa table différents mets est un plaisir que beaucoup apprécient dans la joie et le soulagement de rompre le jeûne. Cela semble difficile dans le contexte actuel.