Ce sont des faits historiques. Depuis 2002, à chaque fois qu’Azali Assoumani a participé personnellement à une élection présidentielle, elle s’est mal terminée. Des fraudes massives ont été signalées et les autres candidats ont refusé de reconnaître sa victoire. Jamais, aucun de ses adversaires n’a assisté aux investitures.
Par MiB
Azali Assoumani, l’actuel candidat-président, a été déclaré vainqueur pendant les élections de 2002, 2016 et 2019. Mais, aucun de ses adversaires n’a reconnu sa victoire et au contraire, ils ont à chaque fois dénoncé des fraudes qui se sont appuyées sur l’appareil de l’État et la complicité de l’Armée nationale. Et c’est ce que les Comoriens ont de nouveau vécu le 14 janvier dernier. Mais, cette fois l’histoire bégaie.
En 2002, après avoir régné sans partage depuis le coup d’État de 1999, Azali Assoumani cède momentanément les rênes du pouvoir à son acolyte, Hamada Madi Boléro pour pouvoir participer aux élections présidentielles. Mais, cela n’empêche pas son ami de mettre tous les services de l’État au service de l’élection du colonel qui malgré sa promesse de rendre le pouvoir aux civils a troqué son treillis contre un costume d’homme politique. À l’époque, on pouvait lire dans certains médias que le gouvernement avait multiplié les cartes d’électeurs et les bulletins, puis avait bourré les urnes. Exactement ce qui s’est passé dimanche dernier, surtout à Anjouan. En 2002, une fraude massive lui a permis d’arriver devant Saïd Ali Kémal et Mahamoud Mradabi, le père de l’actuel ministre de l’Intérieur. Ces derniers ont accusé leur adversaire d’avoir massivement fraudé avec la complicité du gouvernement et de l’appareil de l’État. Ils ont décidé de ne pas participer au deuxième tour puisqu’aucune garantie d’impartialité de l’État n’avait été donnée. Au deuxième tour, environ 39% des Comoriens se déplacent aux urnes et Azali sera déclaré vainqueur à 100%.
En 2016, il se présente sans grand espoir. Mais, son fidèle Hamada Madi Boléro est au gouvernement en tant que Directeur de cabinet du président Ikililou Dhoinine. Il est discrètement actif. Le camp de Mohamed Soilihi Mamadou, et particulièrement Houmed Msaidié, le porte-parole du gouvernement actuel, l’accuse même d’avoir saboté le premier meeting de leur candidat à Mutsamudu, en reportant l’ouverture de la campagne au dernier moment.
Il n’est pas le seul, d’autres fonctionnaires, et notamment de nombreux journalistes des médias d’État travaillent pour l’élection d’Azali Assoumani en 2016. À l’issue du premier tour, c’est une surprise pour tout le monde : Azali est dans le trio autorisé à concourir pour le deuxième tour. Et l’opinion publique remarque que juste derrière lui, il y a un candidat qui avait plus de chances qu’Azali Assoumani, Fahmi Saïd Ibrahim. Depuis, la rumeur court que ce dernier a été déclassé pour laisser Azali, un candidat jugé de moindre importance passer. Au deuxième tour, la fraude a été intense dans les deux principaux camps, comme la pression sur les juges de la Cour constitutionnelle, mais Azali Assoumani l’emporte de très peu, sans réussir à obtenir la majorité absolue. C’est une première aux Comores dans l’histoire institutionnelle : un homme accède à la présidence en étant officiellement minoritaire (41%). Et il va tout faire pour effacer cette tache. Mohamed Ali Soilihi ne reconnaitra jamais l’élection d’Azali et n’ira pas à l’investiture.
Quant à 2019, il n’y a pas vraiment eu d’élections. Les listes électorales, les bureaux de vote, la CENI et la Cour Suprême sont contrôlés par la CRC et Azali Assoumani. Excédée par le remplissage des urnes, une partie de l’opposition donne des instructions pour détruire les urnes dans l’après-midi. Ordre est donné à l’armée d’intervenir pour interrompre le processus électoral avant l’heure et s’emparer des urnes qui restent. Azali sera proclamée élu par la CENI et la Cour Suprême sur des chiffres inventés (le chiffre de 59% a été donné dès le premier tour), puisque les urnes qui n’avaient pas été détruites n’ont pas été ouvertes et même les urnes cassées se sont vues attribuées un nombre de votants.
Azali Assoumani a été investi président trois fois dans sa vie. Aucun de ses adversaires directs n’a reconnu sa victoire et n’a assisté à son investiture.
À l’inverse, les élections auxquelles Azali Assoumani n’a pas participé se sont déroulées dans de meilleures conditions et les perdants ont reconnu la victoire du vainqueur.
En 2006, Azali n’est pas candidat, Mohamed Sambi est en tête sans contestation au premier tour, et il est élu au second tour avec 58%, la majorité absolue, même s’il y avait trois candidats au second tour. Ses adversaires ont reconnu leur défaite et ont participé à son investiture au Palais du Peuple. Azali Assoumani, lui-même, arrive dans la salle pour assister à l’investiture du nouveau président et en quelque sorte faire la passation du pouvoir. Il a été copieusement hué par le public.
En 2010, l’élection d’Ikililou Dhoinine, soutenu par le président sortant, le très populaire Mohamed Sambi, se fait sans contestation majeure de ses adversaires. Il est élu avec plus de 60% et ses adversaires reconnaissent leur défaite. Et il a pu mener une politique « tranquille » correspondant à sa personnalité.
Azali Assoumani ne se contente pas de frauder pendant les élections présidentielles. Il a institutionnalisé la fraude électorale et l’a même sanctifiée dans ce pays musulman en déclarant que si le fraudeur a réussi à frauder c’est que Dieu l’a bien voulu. La fraude n’est pas seulement l’affaire d’un homme, c’est tout un système, c’est pourquoi, on peut parler d’une « culture de la fraude » qui s’est construite depuis le régime d’Ahmed Abdallah et qui est aujourd’hui portée par un parti : la Convention pour le Renouveau des Comores (CRC) dont les membres sont placés partout dans le processus électoral pour rendre impossible le départ pacifique d’Azali Assoumani.