L’ancien manager Ben Amir Saadi a été accusé d’être derrière les revendications des joueurs des Cœlacanthes.
Masiwa – Ben Amir, est-ce que vous manipulez les joueurs des Cœlacanthes ?
Ben Amir Saadi – Cela fait maintenant quatre ans que j’ai démissionné de mon poste de manager général des Comores, et depuis, je n’ai jamais interféré dans les affaires de mes successeurs. C’est une règle que je m’applique, car je n’aime pas qu’on s’immisce dans mon propre travail. Pourquoi cela changerait-il aujourd’hui ? Pendant près de 9 ans, j’ai investi une grande énergie et d’importantes ressources pour développer l’équipe nationale des Cœlacanthes.
Pendant cette période, ma vie personnelle était souvent reléguée au second plan. Après ma démission, j’ai enfin pu consacrer plus de temps à ma famille, à mes activités entrepreneuriales, à l’enseignement, au coaching, et à ma passion pour le sport. Lorsque l’on m’a sollicité pour revenir à certains moments tendus entre le staff, les joueurs et la fédération, j’ai toujours décliné. Cependant, j’ai toujours été prêt à offrir des conseils lorsque cela m’était demandé, partageant mon expérience aussi bien du côté des joueurs que de la fédération.
Par exemple, après la CAN, j’ai joué le rôle d’intermédiaire entre les joueurs et le président pour améliorer la communication entre eux, mais je ne me suis jamais immiscé dans les discussions concernant les affaires internes telles que les primes, les salaires, les déplacements, etc., car ce n’est pas de mon ressort, et je ne souhaite pas m’impliquer dans ces aspects.
Aujourd’hui, certaines personnes veulent me faire passer pour un manipulateur auprès des joueurs, car j’ai soutenu la continuité et prôné pour le maintien de l’ancien coach. C’était un avis personnel qui n’était dicté nullement par un quelconque intérêt, car j’ai trouvé que Younes avait fait du bon travail malgré la non-qualification. La FFC a choisi un autre sélectionneur, on a tous pris acte. L’affaire était close. Comme celui de l’équipementier, on était candidat et c’est un autre qui a été choisi. On l’a accepté. Ça fait partie du jeu.
Masiwa – Ces accusations sont donc infondées ?
Ben Amir Saadi – C’est un manque de respect envers les joueurs, leur intelligence et leur autonomie de croire qu’ils sont manipulés. Ils ont le droit de penser par eux-mêmes et de défendre leurs revendications en conscience. On m’accuse aussi de trop communiquer sur les Cœlacanthes ou de partager mes avis, et ils oublient que j’ai toujours agi ainsi, en toute liberté. Si j’ai choisi de me former dans le journalisme, c’est aussi pour avoir le droit d’informer, pas seulement dans le domaine du football. Ceux qui me suivent savent que j’utilise ma plume et ma voix pour diverses causes qui me tiennent à cœur. Tant que Dieu me prêtera vie, j’agirai ainsi. J’ai une certaine déontologie, je ne m’attaque jamais aux personnes, mais à la fonction et aux responsabilités qui sont les leurs.
Et je me dis qu’à la lumière des événements que nous avons appris ce matin, vendredi 13 octobre, avec des joueurs qui ne se sont pas présentés et une fédération qui a rapidement trouvé une solution en appelant des jeunes joueurs en renfort en un temps record, j’ai simplement servi de diversion pour dissimuler la profondeur du conflit entre la FFC et les joueurs. Il est évident que la FFC était au courant de la situation et s’est préparée en conséquence. C’est une triste constatation, car, quelle que soit la nature des désaccords, je suis convaincu que des solutions auraient pu être trouvées par le dialogue, sans en arriver là. Et que de temps perdu dans des polémiques stériles !
Masiwa – Quelle est votre position face aux revendications des joueurs ?
Ben Amir Saadi – En ce qui concerne les revendications des joueurs, je les comprends parfaitement. Ayant vécu de l’intérieur, je connais les difficultés pour faire évoluer certains rouages de notre fédération, en particulier dans les domaines de la communication et du dialogue. Cependant, connaissant les joueurs, leur comportement exemplaire et leur éducation, je suis convaincu qu’une solution aurait pu être trouvée avant d’en arriver là. C’est ce qui est vraiment regrettable.
Mon sentiment profond est que certains souhaitaient que cette situation se produise, peut-être pour repartir sur un nouveau cycle, et cela peut se comprendre. Cependant, il existe d’autres méthodes pour parvenir à ce résultat. D’après ce que j’ai compris, au-delà des accusations d’amateurisme portées contre la fédération par les joueurs, la fédération répond en retour que c’est principalement une question d’argent, que les joueurs deviennent de plus en plus exigeants, et qu’ils ne peuvent pas répondre à leurs attentes compte tenu de la réalité économique du pays.
Il y a des arguments valables de part et d’autre, et je ne comprends pas pourquoi un dialogue n’a pas pu être établi, y compris en présence d’une tierce partie qui aurait pu être l’État. L’État aurait pu apporter son avis, son expertise et peut-être même des solutions, sans pour autant s’immiscer. Cette situation est vraiment regrettable et n’honore ni les uns ni les autres. Je pense que ce boycott est vraiment un cri d’alarme et qu’ils méritent notre écoute. Je trouve également très injuste le procès d’intention que l’on fait à nos Cœlacanthes, surtout après tout le bonheur qu’ils nous ont apporté.
Je suis vraiment attristé et inquiet. J’ai peur que tous les efforts que nous avons déployés depuis tant d’années ne s’effondrent. Ce serait un drame pour tout le pays. J’espère sincèrement qu’une solution sera trouvée, car nous ne pouvons pas accepter que nos héros, nos sudjaans, ne puissent plus faire briller nos îles. Et si, par la suite, ils devaient quitter le navire, que cela se fasse avec les honneurs qu’ils méritent.
Propos recueillis par Abdouroihmane Ibrahim