Saïd Hassan Jaffar a été un guide dans le combat pour la démocratie aux Comores. Il nous a quittés ce vendredi 2 décembre. « Hassane » était un musicien, un pionnier du journalisme aux Comores, un militant qui a combattu les mercenaires avant de devoir quitter le pays.
Les Comores viennent de perdre l’un des meilleurs défenseurs de la démocratie depuis son indépendance en 1975. Saïd Hassane Jaffar dit Body faisait du combat contre les atteintes aux droits politiques, une préoccupation de tous les instants en France. Il était également un homme engagé contre les injustices sociales.
Les anciens étudiants des Comores qui le côtoyaient se rappellent encore aujourd’hui de ses prises de parole dans les réunions et dans les manifestations sur la voie publique contre la présence des mercenaires sur le territoire national. Le timbre posé de sa voix faisait de lui quelqu’un de très écouté par les plus jeunes étudiants de l’époque, comme d’ailleurs par ses aînés.
Il avait compris que l’émancipation politique des citoyens comoriens passerait d’abord par l’éducation civique et la connaissance, de manière générale, de l’environnement sociopolitique et économique de notre pays.
C’est dans ces conditions qu’il invitait tous les jeunes étudiants comoriens en France à s’informer sur les débats politico-judiciaires du procès de Bob Denard à Paris.
L’un des faits séduisants de son engagement restera l’assiduité à presque toutes les audiences de la Cour d’Assises de Paris sur l’assassinat du Président Ahmed Abdallah. Il rappelait l’impérieuse nécessité d’assister massivement à ces audiences afin de connaitre les détails sur l’assassinat du Président Ahmed Abdallah de notre pays. À notre grande surprise d’ailleurs, nous avons vu et entendu les témoignages de plusieurs cadres politiques comoriens cités par la défense de Bob Denard. Lors de ces audiences, nous constations que malgré la mise à sac de notre pays, lesdits mercenaires avaient beaucoup de soutien dans notre pays.
L’héritage laissé à la jeunesse comorienne
La capacité de résistance de Saïd Hassane Jaffar à toute forme de compromissions restera à jamais l’un des faits marquants de se personnalité. Il est l’un des hommes incorruptibles des Comores.
Il était parmi les militants comoriens qui plaçaient l’unité nationale du pays au-dessus de tout. Il incarnait l’intégrité morale en politique. Il ne choisissait pas ses amis politiques en fonction du lieu de naissance, de la circonscription et encore moins de l’île où ils ont grandi.
Les hommes épris de justice pour son pays étaient ses amis.
À travers cette philosophie, il transmet à la nouvelle génération le flambeau de la lutte contre toutes les formes de dictature dans notre pays.
À titre personnel, ce qui m’a le plus frappé chez Saïd Hassane Jaffar, c’est l’humilité dont il a toujours fait preuve devant ses interlocuteurs. Je viens d’apprendre aujourd’hui après son décès qu’il était un Prince, fils du Prince Saïd Mohamed Jaffar, le président par intérim d’août 1975 à janvier 1976, descendant du clan El-Macelie. Il est évident que le statut de Prince n’a plus cours dans notre pays, en ce sens qu’il n’a ni légitimité politique ni sociale, et surtout parce que ce statut appartient en réalité à l’histoire politique du pays, au passé. Mais, je suis sensible à cette forme de modestie qu’il a toujours montrée envers les gens. Je n’aurais jamais imaginé qu’un militant politique, un intellectuel de son rang, et avec le statut honorifique de Prince, parce que les vestiges du statut de Prince subsistent quelque peu aux Comores, pouvait ne pas faire montre de ses origines sociales dans ses échanges.
Or, il n’en a jamais fait état.
Ces deux dernières années, nous avions évoqué ensemble des travaux qui restent en chantiers.
Des pans entiers de l’histoire politique de notre pays restent à réécrire, surtout les disparitions non élucidées des hommes politiques comoriens. Tout cela mérite une étude approfondie. De même, les régimes successifs comoriens ont chacun leurs parts de mystère et nous avions à cœur l’idée d’éclairer l’opinion publique sur au moins une partie de ce passé récent.
Promesse est faite que je m’impliquerai pour mettre en route nos projets en chantiers.
Au revoir grand frère
Ben Ali AHMED