Comme chaque année, en octobre, c’est le mois où la lutte contre le cancer dans le monde s’intensifie. Aux Comores, « Octobre Rose » est organisé par l’Association comorienne contre le Cancer chez la Femme (ACCF).
Par Hachim Mohamed
Le 18 octobre à l’Alliance franco-comorienne, la présidente de l’ACCF, Zahara Abdallah remettait des trousses d’information soit aux femmes qui viennent d’apprendre qu’elles souffrent d’un cancer du sein ou gynécologique soit à celles qui ignorent ce que fait l’association pour vaincre la terrible maladie.
Pendant la rencontre, Zahara Abdallah et Dr Mohamed Monjoin ont, encore une fois, mis l’accent sur la nécessité pour les femmes de recevoir un diagnostic sur la maladie. Ils font le constat que le taux de guérison des cancers détectés et pris en charge à un stade précoce dépasse les 90%.
Ces dépistages sont d’autant plus importants que le nombre de cancers est en hausse dans le monde, selon une étude récente. 433 000 cancers ont été diagnostiqués en 2023, contre 382 000 en 2018. Par distinction de sexe, le nombre de cancers de l’œsophage, du pancréas ou du poumon augmente, parfois significativement chez les femmes, mais chez les hommes, certains cancers sont en baisse, comme ceux de l’estomac ou du poumon. En revanche, les cancers de la peau sont en hausse.
Le cancer du sein est le cancer féminin dans le monde.
En Afrique subsaharienne, la moitié des femmes qui décèdent du cancer du sein ont moins de 50 ans (Source OMS). S’exprimant sur cette pathologie, le Dr Mohamed Monjoin est formel : le cancer du sein est le plus facile à diagnostiquer en plus d’être relativement facile à prendre en charge. Cependant, sur la maladie, nous observons de très mauvais chiffres en Afrique dans la mesure où les patientes arrivent dans les structures hospitalières à des stades très avancés.
Dès l’âge de 25 ans, il est recommandé aux femmes d’effectuer chaque mois un auto-examen des seins, une semaine après les règles. Les femmes peuvent ainsi connaitre la constance et l’aspect normal de leurs seins. Cet examen des seins doit se faire régulièrement pour pouvoir remarquer plus facilement tout changement.
Pour les femmes de 45 à 75 ans, il est également recommandé d’effectuer une mammographie tous les deux ans.
Un frottis par an
Il est également recommandé d’effectuer un frottis de dépistage au moins une fois par an. Cela est possible avec l’appui du programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD). Sur 200 frottis effectués dans 111 villages des Comores, les diagnostics font état de 24 cas de cancer. L’ACCF a l’opportunité d’envoyer trois femmes à l’ile Maurice pour des soins.
Par frottis aspiratif, on entend un prélèvement de cellules à l’intérieur de l’utérus dans un petit volume de liquide, dans le but de déceler des cellules cancéreuses.
Pour ce qui est de la perception de la maladie, une anomalie qui peut être détectée en forme de nodule (boule foncée) sur le corps n’est pas forcément un cancer, mais la femme ne peut en être certaine qu’après un examen approfondi de la part d’un professionnel de santé
D’où la nécessité de la mammographie qui est un examen radiologique des soins permettant l’analyse approfondie des tissus mammaires.
Un long parcours de soins
Durant la conférence, un témoignage poignant, livré par une dame atteinte de cancer via un film projeté sur le mur de la grande salle de spectacle a permis de constater la différence de système de soins en France et celui de Comores.
Pour un nodule qui a été aperçu sur son sein et dont on ignorait la pathologie bénigne ou maline sans une biopsie (prélèvement d’un fragment de tissu pour un examen microscopique), il a fallu un long parcours de soins, deux mois de plusieurs examens médicaux avant de prendre la décision de se faire opérer. Cette expérience a montré une propension à aller trop vite en besogne aux Comores, sans l’analyse approfondie des tissus mammaires avant toute intervention chirurgicale.
De son exposé oral en forme de documentaire, cette Comorienne a tiré la sonnette d’alarme sur l’écueil de la langue dans les pays où les patients connaissent un long parcours de soins et subissent des traitements agressifs.
« Pour une pathologie qui, pour le besoin de la guérison, demande de l’accompagnement psychologique, nos compatriotes qui partent en Inde, en Afrique du Sud, au Kenya, sont confrontés à la barrière de la langue qu’ils ne comprennent pas. Pire, pour se faire soigner comme il se doit, il faut deux ans et au bas mot 10 mois. ».
Plaidoyer sur le transfert de compétences.
« Octobre Rose » est aussi l’occasion de la part de la présidente de l’ACCF, Zahara Abdallah, de rappeler la manière de quantifier et créer des stratégies nationales efficaces de lutte contre le cancer et surtout de la gestion des risques de cette terrible maladie afin de mener à bien un projet répondant aux attentes des parties prenantes.
Face à une pathologie grave, étant donné son évolution imprévisible, Zahara Abdallah et Dr Mohamed Monjoin ont fait un plaidoyer en faveur d’un transfert de compétences avec les pays qui peuvent aider les Comores en formant des spécialistes en cancérologie tels que l’Afrique du Sud, l’ile Maurice ou le Kenya.
Une doléance qui passe par la dotation d’un service de cancérologie au CHU en construction et un local pour les activités que mène l’ACCF pour résorber cette terrible maladie qui tue aussi bien les hommes que les femmes.