Deux mois après l’apparition du choléra aux Comores, fin janvier, les autorités n’ont pas encore réussi à l’éliminer, mais cette fois, aidées par les organisations internationales, elles semblent mieux y faire face.
Par MiB
Un cas de choléra a été signalé à Mayotte le 18 mars. La personne était venue d’Anjouan pas kwasa-kwasa, l’Agence régionale de Santé (ARS) de Mayotte se préparait à une telle éventualité depuis l’apparition de la maladie à la Grande-Comore, importée de Tanzanie le 30 janvier par les marins d’un bateau reliant les îles au continent. Le cas apparu à Mayotte a montré l’efficacité du dispositif mis en place puisque la personne a été soignée et son environnement désinfecté. Les autorités sanitaires ont également mis en place une veille sur les points d’entrées officiels dans l’île sous administration française, avouant leur incapacité à surveiller chaque arrivée de kwasa-kwasa.
Le déni
Ce premier cas a permis de prendre conscience que la maladie est également présente à Anjouan et qu’elle progresse. Jusqu’alors, à Anjouan, plus qu’à Ngazidja, la population refusait de croire que le choléra avait atteint l’île. Et il reste encore un certain scepticisme dans la population comorienne et un déni certain comme à chaque fois qu’une épidémie apparait dans l’archipel. Le choléra étant aussi une maladie qui prospère quand l’hygiène des lieux et des personnes n’est pas rigoureusement respectée, personne ne veut admettre en être atteint.
Les autorités politiques n’en parlent pas beaucoup non plus dans les médias, sans doute par peur que la population , superstitieuse, ne lie cette nouvelle calamité aux fraudes récemment constatées lors des élections présidentielles du 14 janvier.
Pourtant, le ministère de la Santé, fortement appuyé par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), diffuse une information régulière et utile sur l’évolution de la maladie depuis qu’elle a été déclarée par le gouvernement le 2 février dernier.
Sur le 31e rapport publié par le ministère de la Santé le 28 mars 2024, prenant en compte les statistiques de la maladie sur une période qui court du 25 au 27 mars, 69 nouveaux cas ont été décelés. Cela porte à 549 les cas cumulés depuis l’apparition de la maladie. 493 malades ont été guéris, tandis que 16 sont décédés, parmi eux les 11 cas importés au tout début. Il y a donc peu de morts, mais le nombre de personnes malades est toujours aussi important. La plupart des malades, lorsqu’ils sont pris en charge suffisamment tôt, guérissent. L’épidémie demeure sous contrôle.
Il y a actuellement dans les trois centres de traitement 40 cas actifs suivis par les médecins, étant entendu que de nombreux cas ne sont pas déclarés, sont ignorés ou cachés.
Durant la dernière période, le ministère a annoncé deux décès l’un à Anjouan et l’autre à Mwali. Le cas de décès à Anjouan est symptomatique de la situation actuelle où les agents du ministère font tout pour juguler la maladie tandis que la population, dans son ensemble, ne ressent pas encore la gravité de l’épidémie. Selon un témoignage, une dame originaire de Koni Djodjo vivant à Ngazidja a attrapé la maladie, mais au lieu de se rendre à l’hôpital, elle a décidé de rentrer à Anjouan. Elle aurait ainsi transmis la maladie à ses enfants, et l’un d’eux est décédé. C’est alors que les agents du ministère de la Santé sont venus la chercher, elle et le reste de ses enfants pour la conduire à l’hôpital de Bambao Mtsanga.
Des jeunes hommes surtout
D’une manière générale, on peut noter quelques constantes qui demeurent depuis le début. Le choléra touche toujours plus d’hommes que de femmes (actuellement 61% d’hommes contre 39% de femmes) et les spécialistes n’ont pas encore expliqué pourquoi. De même, les jeunes, de 15 à 29 ans sont les plus atteints par le choléra, cela a été renforcé par le pic du nombre de cas une semaine avant le ramadan, une période pendant laquelle les jeunes se retrouvent dans des fêtes avant de débuter le jeûne.
Alors que la Grande-Comore était touchée officieusement dès le 30 janvier, avec l’arrivée d’un bateau en provenance de Tanzanie avec une vingtaine de passagers dont plusieurs présentent les symptômes, et officiellement le 2 février, Mwali et Anjouan n’ont connu leurs premiers cas respectivement qu’à partir du 5 et du 6 février. Le nombre de cas dans ces deux îles est resté bas pendant un moment. Mais, aujourd’hui, en tenant compte du nombre d’habitants dans chaque île, on peut dire que le taux de personnes atteintes tend à s’équilibrer entre les trois îles. Au total, depuis le 2 février, il y a eu 265 cas à la Grande-Comore (dont 237 guéris), 219 à Anjouan (dont 201 guéris) et 65 à Mwali (dont 55 guéris).
Une extension sur l’ensemble du territoire
Le choléra s’est donc progressivement étendu sur l’ensemble du pays, mais aussi à l’intérieur de chaque île. À la Grande-Comore, toute l’île est touchée, soit l’ensemble des sept districts médicaux. Le district du centre, dans lequel se trouve la capitale, Moroni, est celui où l’on a dénombré le plus de cas. À Anjouan, sur les sept districts, il n’en reste plus que deux qui n’ont pas encore connu de cas de choléra, ce sont les districts de l’Ouest. Là aussi, c’est le district regroupant les grandes villes (Mutsamudu, Ouani…) qui connait le plus de cas. À Mwali, il n’y a que le district de Djando à l’est qui n’est pas encore touché. Les deux autres districts ont déjà connu de nombreux cas.
Même si de nouveaux cas continuent à apparaitre chaque semaine, les agents du ministère de la Santé appuyés par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) et l’UNICEF font tout ce qu’il faut en termes de riposte contre l’épidémie.
L’essentiel du travail de ces agents consiste à prendre en charge les nouveaux malades et à les suivre jusqu’à la guérison sur les trois sites dédiés sur chacune des îles. La sensibilisation sur la présence réelle du choléra dans le pays et sur les mesures d’hygiène pour éviter sa diffusion se fait dans tous les lieux publics, mais aussi par la radio, les spots vidéos dans les réseaux sociaux. Les agents du ministère n’hésitent pas à aller vers les gens par le porte-à-porte ou sur les rivières, un lieu de diffusion important à Anjouan et à Mwali. Ils repèrent aussi les contacts des malades pour faire de la prévention et pour procéder à des désinfections des maisons des familles dans lesquelles des malades ont été pris en charge, quand par pudeur, ceux-ci ne donnent pas de fausses indications.
Un travail important de la part de ces agents consiste également à distribuer des kits « stop choléra ».
Malheureusement, le rapport issu du ministère note l’ « insuffisance des ressources humaines pour les investigations des cas confirmés et le suivi des contacts des cas confirmés », mais aussi la « Non indemnisation des ressources humaines pour les investigations des cas confirmés et le suivi des contacts des cas confirmés ». Il faut aussi noter la difficulté pour ses agents à pouvoir surveiller les points d’entrée du pays, et particulièrement l’aéroport international Prince Saïd Ibrahim.
Contrairement à ce qui se passait lors des précédentes crises de choléra aux Comores (1998 et 1999), la diaspora comorienne ne s’est pas mobilisée, preuve que les autorités nationales et internationales ont pris leurs responsabilités, chose rare pour être signalée.