Les autorités comoriennes et françaises se sont rencontrées à Paris, au plus haut niveau, pourtant, rien ne semble avoir évolué dans la crise née entre les deux pays depuis la mise en place de l’opération Wuambushu. Ce lundi, dans une conférence de presse au ministère des Affaires étrangères, le gouvernement comorien a confirmé qu’il ne prendra pas de sans-papiers dans le cadre de l’opération Wuambushu
Par MiB
Le chef de l’État, Azali Assoumani, a obtenu de rencontrer le président Emmanuel Macron le 8 mai dernier, pour la cinquième ou sixième fois depuis qu’il est au pouvoir. C’est sans doute le président comorien qui est allé le plus souvent à l’Élysée. Il y avait urgence et comme il était à Paris, il a demandé à voir le président français pour régler ensemble les problèmes que pose l’opération Wuambushu à Mayotte, notamment l’expulsion de personnes sans papiers vers l’île d’Anjouan. L’État comorien refuse toujours d’accueillir les expulsés sans-papiers.
Privilégier le dialogue
Cette rencontre des deux présidents rendait presque caduque la rencontre prévue depuis plusieurs jours entre trois ministres comoriens (Houmed Msaidié, ministre de l’Agriculture et Porte-Parole du gouvernement, Fakri Mradabi, ministre de l’Intérieur et Dhoihir Dhoulkamal, ministre des Affaires étrangères) et deux ministres français (Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et Catherine Colonna, ministre des Affaires étrangères).
Dès le soir de la rencontre entre les deux chefs d’État, Azali Assoumani l’a annoncé sur son compte twitter tout en restant évasif sur les résultats obtenus. Il ne révèle pas les décisions prises et se contente de généralités : « Nous nous sommes convenus de privilégier le dialogue entre les deux Gouvernements pour trouver une issue acceptable pour tous et respectueuse des droits de l’Homme, à cette crise. »
La phrase laisse entendre qu’il n’y avait pas de dialogue jusque-là. Cela peut décrire la situation après le déclenchement de l’opération Wuambushu qui a été suivi du refus du côté comorien d’accueillir les expulsés. Mais, cela peut aussi vouloir rappeler que la crise vient du fait qu’avant de lancer l’opération à Mayotte, le gouvernement français n’a pas prévenu les Comoriens.
Sur ce dernier aspect, le gouvernement comorien est resté jusqu’à aujourd’hui ambigu. En effet, jusqu’au déclenchement de Wuambushu, le Porte-Parole du gouvernement a toujours déclaré qu’ils n’étaient pas au courant de ce qui avait été décrit dans les médias sur les préparations de l’opération. Le chef de l’État, Azali Assoumani, interrogé par Mayotte la 1ere a aussi marqué sa surprise et a affirmé qu’il ne pouvait rien faire face à la puissance française.
Le communiqué commun issu de la rencontre entre les ministres insiste sur les bonnes relations entre les deux pays et la nécessité de renforcer le dialogue entre les deux pays. Ils se sont également engagés à lutter contre les trafics et à permettre la réouverture des transports maritimes. C’est à partir de ce communiqué commun que le ministre français de l’Intérieur a fait croire, par une formulation ambiguë, aux élus maorais que le Maria Galante allait pouvoir ramener des expulsés de Mayotte. Mais, il est encore trop tôt pour savoir qui trompe qui.
« Ils ne viendront pas ici »
Tandis que le chef de l’État partait en voyage, le Porte-parole du gouvernement, Houmed Msaidié, a annoncé sur son compte twitter que le gouvernement allait parler aux journalistes à propos de l’opération Wuambushu ce lundi 15 mai.
Cette conférence de presse était attendue par tous ceux qui n’arrivaient pas à comprendre ce qui était réellement sorti de la double rencontre des autorités comoriennes et françaises. Et ce fut le Porte-Parole du gouvernement qui apporta les informations les plus cruciales. Il a été très affirmatif, loin des généralités qu’on a pu entendre jusqu’ici de la part des deux gouvernements.
Il a d’abord annoncé la reprise imminente des transports maritimes entre Mayotte et les autres îles de l’archipel. Mais, il a aussitôt affirmé que tous les gens qui sont concernés par l’opération Wuambushu ne seront pas admis dans les bateaux qui accosteront à Anjouan ou à la Grande-Comore. Tout juste a-t-il appris aux journalistes qu’ils accepteront tous les Comoriens à Mayotte qui souhaiteront rentrer d’une manière volontaire.
Le ministre de l’Agriculture, porte-parole du gouvernement, est clair quant au renvoi de délinquants à Anjouan « Nous ne prendrons pas les responsabilités de l’État français ». Pour lui, aucun président comorien n’est responsable de ce qui se passe « là-bas ». La responsabilité revient à l’État français qui gère l’île et aux élus Maorais qui ont laissé les choses se dégrader. Et comme une preuve de ce qu’il avance, il affirme que la violence telle qu’elle est visible à Mayotte n’existe pas dans les trois autres îles. Et il répète : « Nous l’avons dit : ils ne viendront pas ici ». Il est probable que le ministre veut que les Comoriens, notamment ceux qui les accusent de s’être laissés acheter, comprennent que c’est ce qu’ils ont dit dans leur entretien avec les ministres français.
Houmed Msaidié a également dénoncé ce qu’il appelle « les poses » des élus maorais, pour dire les postures que ces derniers prennent depuis le début de l’opération Wuambushu. Pour le vieux routard de la politique comorienne, ces élus Maorais savent que ce qu’ils disent est des mensonges, mais ils n’ont aucun moyen et comptent sur Darmanin. Pour lui, ces élus ont pris un virage « extremiste ».
Il fait tout de même un appel à un dialogue entre le gouvernement comorien et ces élus. « Nous leur disons que nous sommes prêts à des discussions directes ». Et il lance même qu’ils ont la possibilité de faire en sorte que la situation se stabilise à Mayotte.