Comme l’avait souhaité le gouvernement, puis le Procureur général, l’ancien candidat aux présidentielles de 2019 et avocat du président Sambi, Maître Mahamoud Ahamada a été convoqué par le conseil de discipline de l’ordre des avocats de la Grande-Comore pour s’expliquer sur les paroles qu’il a tenues contre la justice comorienne et autres accusations. Par Mahmoud Ibrahime
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La justice comorienne présente parfois des scènes cocasses. Le 15 octobre dernier, le bâtonnier du barreau de Moroni, Maître Mzimba Ibrahim, candidat malheureux des dernières élections présidentielles qui a participé aux dénonciations contre les fraudes et qui était membre du Conseil National de Transition (CNT) a convoqué un de ses collègues, Maître Mahamoud Ahamada en conseil de discipline pour qu’il s’explique sur le fait qu’il a dit que les élections ont été « volées ».
Un avocat qui fait de la politique ?
Cela a commencé par une polémique sur la santé de l’ex-président Ahmed Abdallah Mohamed Sambi, maintenu en prison chez lui depuis plus d’un an sans jugement. Son avocat, Me Mahamoud, invité à la radio FCBK FM, a confirmé que son client est malade, qu’il doit être évacué pour bénéficier de soins à l’extérieur et il a ajouté que les élections présidentielles ont été « volées » avec la complicité de la justice comorienne.
A cela le porte-parole du gouvernement, Houmed Msaidié a répliqué : « Me Mahamoud ne réagit pas comme un avocat. Il fait de la politique ». Il qualifie même la sortie de l’avocat d’incitation à la haine.
Le lendemain, le procureur général, Mohamed Soilihi Djaé, emboite sur les paroles du Ministre de l’Économie : « Je me demande réellement si Maître Mahamoud défend les intérêts de son client ou fait de la politique ». Quelques jours après, le même procureur saisit officiellement le bâtonnier et réclame que des sanctions soient prises à l’encontre de l’avocat de Sambi.
Les confrères de Me Mahamoud pensaient que leur bâtonnier ne répondrait pas à cette demande du gouvernement. Cela d’autant plus que le conseil de l’ordre est en lambeaux, résultat d’une révolte qui a eu lieu il y a quelques mois et qui avait abouti à la mise à l’écart de Me Mzimba. Mais, la justice est venue le rétablir.
Un conseil de l’ordre en lambeaux
Du conseil de l’ordre, il ne reste que cinq avocats sur neuf, quatre ayant démissionné. Ce mardi 15 octobre, Me Mzimba envoie en conseil de discipline son collègue, un des ténors du barreau de Moroni, Mahamoud Ahamada. Il préside le conseil et il n’y a que trois autres collègues avec lui : Me Azad, Me Baco et Me Attick, soit uniquement quatre avocats sur neuf. Me Zaïd Omar fait partie des avocats qui s’interrogent sur la validité de la composition de ce Conseil de discipline. « Voilà un conseil de l’ordre composé de 4 membres au lieu de 9 comme exigé par la loi sur la profession, un conseil de l’ordre qui fait office de conseil de discipline en l’absence d’un règlement intérieur qui, entre autres, aurait pu prévoir un quorum dans pareille situation ».
Pendant le déroulement du conseil de discipline, le Procureur de la République, à l’origine de la plainte, Mohamed Soilihi Djaé a repris ses accusations. Sa stratégie a consisté à montrer que Me Mahamoud parlait en tant qu’avocat de Sambi et non en tant que politicien. Il a donc accusé l’avocat d’incitation à la violence, de trouble à l’ordre public et surtout de diffamation à l’encontre de la Justice. Pour le magistrat, avec sa casquette d’avocat, Me Mahamoud ne pouvait pas se permettre de lancer des accusations contre la Justice.
Incitation à la violence, de trouble à l’ordre public et diffamation
Le principal avocat de Me Mahamoud, son collaborateur Me Fahardine a commencé par montrer que la convocation du conseil de discipline n’avait aucune raison d’être car aucun principe régissant la fonction d’avocat n’a été violé. Me Mahamoud lui-même s’est défendu en récusant toutes les accusations du procureur. Toutes sauf une. Il reconnait et revendique avoir dit en tant que candidat spolié que les présidentielles de mars 2019 ont été volées avec la complicité de la Justice.
La décision du conseil de discipline a été mise en délibéré pour le 16 novembre.
Une parodie de conseil de discipline
Un avocat de la place qui a suivi le conseil de discipline présidé par le bâtonnier Mzimba et qui a requis l’anonymat n’hésite pas à parler de parodie de conseil de discipline. Pour lui, il y a eu « violation de l’article 35 de la loi de 2008 sur la profession quant à l’absence d’élections partielles pour remplacer les 5 membres du conseil de l’ordre démissionnaires » et « violation de l’article 37.9 quant à la tenue d’un conseil de discipline en l’absence d’un règlement intérieur ». Notre interlocuteur note également que le procureur général n’apporte aucun élément de preuve pour pouvoir discuter d’une manière contradictoire sur les faits qu’il reproche à Me Mahamoud.
Les avocats de Me Mahamoud ont également souligné ce fait dans leurs interventions auprès de la presse à l’issue du conseil de discipline. Le procureur s’est contenté de dire qu’il a entendu des paroles, sans apporter un enregistrement. Aucune autre pièce n’a été fournie aux avocats pour établir la vérité, mise à part la requête du procureur général.
Pourquoi Me Mahamoud et ses avocats n’ont donc pas essayé de montrer l’illégalité de la convocation du conseil de discipline et le fait qu’il n’y avait que quatre membres du conseil sur neuf ? Un des avocats a répondu à Masiwa que c’était au conseil de voir lui-même qu’il n’était pas en mesure de se réunir, mais qu’au final, il était de l’intérêt de Me Mahamoud de se présenter et de se défendre
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