Les vendeuses de Moroni baignent dans l’informel, tel est le statut de leur activité commerciale. Ce qui les classe à la limite de l’illégalité. Cependant, elles paient des frais journaliers de location de leur espace de travail. Ce qui nous laisse supposer qu’elles sont les parentes pauvres de l’économie nationale de par la déconsidération qu’elles essuient de la part des autorités. Pourtant leur forte attractivité économique à un impact des plus considérables sur l’ensemble de l’économie, impact du notamment à la dynamique d’échanges permanents entre l’achat et la revente de différents produits. Autrement dit, un circuit économique bien établi. Mais qui ne fait nullement progresser leurs petites structures entrepreneuriales. Cela pose la problématique du déphasage entre l’accompagnement de l’État en vue d’une autonomisation économique de ces femmes et la réalité matérielle sur le terrain. Par Salec Abderemane Halidi
En marge d’un forum sur l’entrepreneuriat qui s’est tenu en 2017, cette question fut l’objet d’une réflexion dans une réunion technique et avait pour grand axe l’intégration de la femme dans le développement économique et durable du pays afin de participer à leur épanouissement.
Cet article s’intéresse de près à leur rapport et à leur condition d’exercice et d’action dans l’air urbain de la Capitale.
La réunion technique de pilotage s’était tenue entre le 20 et le 22 juillet 2017. L’actuelle gouverneure de l’île de Ngazidja, Sitti Farouata Mhoudine était présente avec le titre de Commissaire à la solidarité, à la protection sociale et à la Promotion du genre de l’Union des Comores. Le Dr Rashid Mohamed Mbaraka Fatma, ministre de la Santé, de la Solidarité, de la Protection sociale et de la Promotion du Genre était également présente. Elle venait d’être nommée. Et le Secrétariat général de la COI était dirigé par un Comorien, en l’occurrence Hamada Madi.
La discussion a tourné autour des voies et des moyens d’améliorer l’activité de la femme en général, son implication économique en particulier par des plateformes soutenues par la Commission de l’Océan Indien (COI), sur financement de la Banque africaine de développement (BAD). L’ancienne commissaire à la Solidarité, à la Protection sociale et à la Promotion du Genre de l’Union des Comores, devenue gouverneure, avait souligné que « la question de la femme [était] devenue une réelle priorité ». Tandis que la ministre de l’époque, remplacée par une autre en 2019, se livrait à un premier discours officiel prometteur pour la femme. « C’est une approche de complémentarité et de synergie entre toutes les structures engagées dans le Programme multisectoriel d’assistance technique dans le domaine du genre (PMATG) », dans un engagement à l’entrepreneuriat des femmes, avait-elle déclaré. Pour elle, la femme était une priorité pour le gouvernement comorien.
Néanmoins, ce que nous apprenons de la femme qui entreprend à Moroni, vitrine de l’ensemble du pays, laisse croire à un refus d’engagement de la part des autorités. Alors que “la Nigériane Ngozi Okonjo-Iweala a été nommée, le 15 février dernier, première femme et première personnalité africaine à la tête de l’Organisation mondiale du Commerce », Naïda Housseine, étudiante en géographie à Paris et agent stagiaire à la direction de l’urbanisme des Comores, s’était rendue à la rencontre des vendeuses de Moroni. Ses investigations nous ont menés à mettre sous les projecteurs ces dernières. Elle nous apprend que « ces indispensables commerçantes, que nous croisons tous les jours et dont nous ignorons les trajectoires, impulsent l’économie de la ville ».
Du marché de Volo-Volo et de Chindo Cha Bwani en passant par le Café du port, « les entrepreneuses comoriennes sont nombreuses à fournir quotidiennement aux citadins des produits issus de l’agriculture ou de la pêche. Malgré leurs surreprésentations dans les lieux de commerces, leurs activités restent informelles et l’État comorien ne les accompagne que trop peu ».
Dans l’espace de la capitale, ces vendeuses proviennent de l’ensemble des régions de Ngazidja et des autres îles. Certaines effectuent des migrations pendulaires, c’est-à-dire qu’elles rentrent dans leurs villages natals tous les soirs, d’autres sont installés à Moroni où elles louent, la terre ou un logement dans les quartiers défavorisés afin de faciliter leurs quotidiens, témoigne la géographe.
« La majorité des vendeuses de fruits et de légumes gagne uniquement de quoi subsister au quotidien. Elles ne peuvent pas épargner, encore moins investir afin de faire évoluer leurs commerces, elle constate. Par contre, pour les vendeuses de poissons, c’est différent, l’achat-revente de poissons étant bien plus lucratif que la vente de produit agricole, on retrouve chez les vendeuses du Café du Port des commerçantes avec plus de vingt ans d’expérience et des bénéfices allant de 5000 à 25000F selon la saison ».
Ce qui nous pousse encore une fois à croire à un manque de volonté de la part des autorités. Car ces sommes sont assez conséquentes pour un suivi d’accompagnement économique.
Mais, il faut croire que celles qui paient demeurent dans l’informel.