Encore une fois le Conseil de l’ordre du barreau de Moroni a montré ses limites et continue à massacrer les lois et les règles établies. Lundi dernier, deux hommes et une femme ont prêté serment au palais de justice de Moroni sous l’égide de Me Ibrahim Ali Mzimba et du Procureur général, Soilihi Youssouf Djae. [ihc-hide-content ihc_mb_type=”show” ihc_mb_who=”3,2,4,5,6,9″ ihc_mb_template=”1″ ]
Quelques heures après cette prestation de serment, le site Comores Infos fait des révélations sur l’un de ces nouveaux avocats stagiaires, Kaambi Mze Soilihi. Il révèle que le nouvel homme en robe noire est un ancien condamné pour agression sexuelle et qu’il n’a jamais mis ses pieds dans une faculté de droit. L’accusé ne tarde pas à y répondre. Il enchaîne les interviews. D’abord avec le journaliste Mchangama Oubeidillah, ensuite avec nos confrères d’Alwatwan. Ce sont ces interviews qui l’amèneront à ne jamais porter la robe noire. Au lieu d’apporter des éléments de réponses aux accusations portées contre lui, il s’enfonce et signe sa propre radiation.
D’agresseur sexuel en France à avocat aux Comores

« Kaambi, reconnu coupable et condamné à un an de prison avec sursis, devra verser 1000 euros de dommages et intérêts à la victime “. C’est ce qu’on peut lire en conclusion d’un article paru en novembre 2013 dans Le mensuel, un magazine de la ville de Rennes en France.
Pour la petite histoire, il s’agit d’une agression sexuelle que le nouvel avocat stagiaire a commise contre l’amie de sa femme. Une affaire qu’il avait commencé par nier auprès du président du Tribunal correctionnel de Rennes. Sauf que des SMS qu’il avait envoyés à la victime pour demander des excuses l’accusent.
Kaambi a atterri aux Comores en 2017 pour soutenir l’émergence du chef de l’État, selon sa version. Il avait auparavant fait partie de l’équipe de campagne de Mohamed Ali Soilihi dit Mamadou en France, avant de changer de camp, après la victoire d’Azali Assoumani.
Il a ainsi participé « activement » aux assises nationales, a soutenu le référendum de juillet 2018 et a porté son soutien à Azali Assoumani en mars 2019 aux présidentielles. Avec son mouvement, 3e Force, il était souvent à l’aéroport pour accueillir le chef de l’État. Un parcours sur lequel il a tenté de s’appuyer dans une émission publiée sur la page Fcbk fm pour justifier son appartenance au métier d’avocat : « Je suis navré q u’aujourd’hui certaines personnes veulent nuire à mon image. J’ai soutenu les initiatives de l’État depuis les assises jusqu’aujourd’hui. Je pense qu’aujourd’hui avec mon nouveau métier, je vais apporter mon aide au développement de mon pays. Je vais défendre les droits des citoyens. Je lance un défi. Aucune personne ne pourra apporter des preuves des accusations de Comores infos. Je vous promets que je ne lâcherai pas et j’irai jusqu’au bout avec l’auteur de cet article ». Interrogé sur cette affaire, il essayera, malgré l’insistance du journaliste, de minimiser l’affaire : « C’est une affaire réglée depuis 2013. Je préfère ne pas entrer dans les détails ». Le défi qu’il a lancé signe sa radiation du barreau. Comores-Infos va enchaîner les preuves en publiant l’article du Mensuel et l’arrêt de non-appel du tribunal.
Pour ce qui est de la formation en droit, Kaambi Mzé Soilihi se vantera d’avoir un Master 1 obtenu en 2010 : « J’ai fait des études de droit en 2010 à Paris 13 ». Une version que contredit son curriculum vitae, sur lequel il mentionne qu’en 2010, il a travaillé en tant que formateur de la police municipale. Donc, zéro diplôme de droit.
Diplômé d’un master 1 en droit ?
Selon un membre du conseil de l’ordre des avocats inscrits au barreau de Moroni, Kaambi leur a présenté un diplôme de Master en droit. Mais le CV présenté ne fait aucune mention d’un diplôme de Master 1 en droit. Par contre, il prétend dans ce CV qu’en même temps qu’il travaille en tant qu’Adjoint au Directeur du Service Jeunesse de la ville de Gentilly de 2004 à 2009, il a préparé et obtenu une Licence en Sciences de l’Éducation et un Master 1 en Management des organisations sanitaires et sociales. S’il prétend avoir eu un Master 1 de Droit en 2010, cela voudrait dire qu’il a préparé sa Licence de Droit en même temps que sa Licence de Sciences de l’Éducation et son Master 1 en Management. En 2010, il aurait obtenu en même temps le Master 1 de Droit, tout en préparant et en réussissant son examen d’animateur-chef et tout en exerçant dans la ville de Bobigny en tant que Chef du service stationnement.
Interrogé sur l’authenticité du diplôme présenté par Kaambi Mzé Soilihi, le même membre du conseil de l’ordre nous déclare n’avoir pas eu le temps de vérifier cela : « Je ne peux pas dire que c’est un faux diplôme. Ce que je sais, il a présenté un master comme d’autres personnes. Nous avons mené une enquête. Nous n’avons trouvé aucun élément qui pourrait nous empêcher de rejeter sa candidature », nous a-t-il expliqué au téléphone. Master ou pas, la loi ne l’autorise pas à prêter serment pour devenir avocat.
Gérard aussi serait radié
Une semaine avant la prestation de Kaambi Mze Soilih, le magistrat Gérard avait aussi prêté serment après avoir présenté une démission au parquet général. Il serait également déjà radié du corps des avocats. Contrairement à Kaambi, lui, il a les capacités requises pour devenir un avocat. Il est juge depuis plusieurs années. Mais aucune loi au monde n’autorise une seule personne à exercer le métier d’avocat et être juge à la fois. Pourtant la démission de Gérard n’a pas été approuvée par le parquet général. Ce dernier n’a même pas pris la peine d’étudier son cas. Une négligence qui n’est pas à sa première sachant que le parquet a vanté aussi des mérites à l’endroit de Kaambi Mze Soilihi. Une démonstration claire de la négligence du procureur général face à cette situation d’instabilité et de désordre créée en toute pièce par le conseil de l’ordre.
Une transgression des règles
Peu des gens qui ont prêté serment durant le mandat de Me Ibrahim Ali Mzimba avaient les critères requis par la loi. Pour mémoire, pour devenir avocat au barreau de Moroni, il faut avoir un doctorat en droit et avoir une expérience de 2 à 3 ans, ou avoir un master de droit plus le CAPA ou être ancien magistrat. Ces règles sont enfreintes quotidiennement.
Interrogé sur le non-respect de ces règles (dont notre rédaction a déjà fait référence dans un dossier dans Masiwa n°299, 10 janvier 2020), un membre du conseil a une réponse assez confuse : « Il y aurait moins d’avocats ».
Il faut rappeler qu’il n’y a pas que le cas de Kaambi Mze Soilihi. La fille de l’ancien directeur de campagne du bâtonnier de l’ordre des avocats avait prêté serment l’année dernière pourtant, elle ne remplit à aucune de ces trois règles. Me Moncef Said Ibrahim, un des hommes forts de la campagne de Mzimba, n’aurait qu’une licence, pourtant il a prêté serment le même mois que cette dernière. Sitty Mohamed qui a prêté serment en même temps que Kaambi Mze Soilihi ne remplit pas non plus les conditions.
Au milieu de ce désordre, le citoyen se demande où est passé le ministère de la Justice. Par son silence, il y contribue. La loi exige que le concours du CAPA soit organisé chaque année. Et depuis 2014, cet examen n’a pas été organisé. Pire à Moheli, le ministre de la Justice a exigé la prestation d’un proche du pouvoir appelé Janvier et de deux autres. Cela a été fait sans bruit.
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