A la cérémonie d’investiture, la gouverneure «élue» revendique son accession à la tête de Ngazidja comme le symbole de «l’émergence au féminin». L’occasion pour Sitti Farouata Mhoudine de remercier le président pour la confiance, la première dame pour le soutien et la mouvance pour l’avoir choisie. Elle s’engage à faire de Ngazidja, « une île de paix et de prospérité ». Par BAKARI Idjabou Mboreha
«Gamdjotekeleza ze wadjibu zahangu hawukweli nawu aminifu ye zitrendwa zahangu ngazidjo wuwafikiyana ne fayida djimla yahe yentsi ne sheyisiwa sha ngazidja nawu stehi ye shariya mshindji sha Komori». «J’accomplirai mes obligations en toute sincérité et confiance. Mes actions s’inscriront dans l’intérêt général du pays et de l’île de Ngazidja, dans le respect de la loi fondamentale du pays ». C’est en ces termes, prononcés en langue locale (shi Ngazidja), que la cour suprême a investi officiellement et solennellement Sitti Farouata Mhoudine , gouverneure de l’île autonome de Ngazidja au Palais du peuple, à Moroni, hier jeudi 23 mai. Un lieu qui selon la première femme gouverneure aux Comores confère «une dignité à la hauteur de son rayonnement».
Dans la salle de l’aile Sud de l’Assemblée archi pleine, ont pris place le chef de l’État, sa femme, au moins sept ministres assis au premier rang, à côté des représentants du corps diplomatique accrédité à Moroni, des membres de la maison hôte, du grand cadi, des dirigeants de la mouvance, des conseillers de l’île sortants, et des collaborateurs de Hassani Hamadi, des ulémas. Il y a eu également, beaucoup de «femmes aux chapeaux de toutes les couleurs», et de notables « aux kofia», sans oublier la présence massive de sa famille.
Ils ont vécu «cette mémorable journée. Journée qui marque la concrétisation de l’égalité de chance et le partage du pouvoir hommes et femmes aux Comores». Sitti Farouata gouverneure de l’île autonome de Ngazidja en est le symbole qui prouve aussi que «l’émergence rime avec égalité des chances» a introduit l’animatrice de la cérémonie.
La chef de l’exécutif de Ngazidja a articulé son discours autour de trois points. D’abord, les remerciements d’usage. Une reconnaissance éternelle à l’égard de deux personnes, le chef de l’État et sa femme. « Les remerciements les plus sincères au président de la République pour la confiance qu’il m’a témoigné et à travers moi toutes les femmes éprises de progrès et de justice, à la première dame pour son soutien sans faille et son implication.» Un hommage appuyé à Azali, qui «dans un pays respectueux des coutumes et des traditions » a imposé la candidature de Sitti farouata. Et un clin d’oeil « à la mouvance, ma famille politique, qui m’a d’abord choisie et soutenue jusqu’à la victoire », sans oublier l’assistance, associée également aux remerciements.
Ensuite, l’annonce «d’une ère nouvelle», celle «de l’émancipation au féminin». Le tableau peint est flamboyant, idyllique. «En cet instant solennel , nous sommes témoins d’ un événement mémorable, qui consacre le début d’une ère nouvelle, celle de l’émergence au féminin». Cette nouvelle ère est «La belle victoire du genre que j’incarne» a-t-elle déclaré en préambule. «En effet, la première investiture d’une femme au poste de gouverneur dans un pays respectueux des coutumes et des traditions est de l’ordre de la détermination du président de l’union des Comores qui a fait le choix politique et sans équivoque de promouvoir la femme comorienne. Une volonté manifeste qui a trouvé sa traduction politique en phase avec celle de la population pour être en adéquation avec les enjeux du troisième millénaire» a-t-elle expliqué.
Enfin, ses ambitions pour l’île, faire de «Ngazidja, île de paix et de prospérité». Elle a esquissé les lignes principales devant constituer son programme d’actions. Une politique qui doit reposer sur «un socle fondateur, un destin commun fondé sur le respect des lois et des règles», en prônant « un développement durable». Et « Je vais m’attacher à donner le meilleur de moi même.» Une déclaration volontariste de bonnes intentions qui vise certains domaines.
A commencer par une « administration de proximité soucieuse de répondre aux attentes ». Réduire la « Fracture communale » et créer « une nouvelle communalité ». S’occuper de « l’éducation de base » avec l’introduction de la pratique des activités sportives : « un esprit sain dans un corps sain ». Autres pistes évoquées, la généralisation de la « formation aux Nouvelles Technologies de l’Information et de la Communication correspondant aux besoins du millénaire» et la promotion de «produits spécifiques régionaux». Un dispositif destiné à lutter contre les « fléaux sociaux comme le chômage» et « Ensemble bâtir Ngazidja, île de paix et de prospérité » a-t-elle annoncé.
Au passage, elle a égratigné son prédecesseur, fustigeant son absence à la passation technique de service. «Personne ne doit se soustraire à ses obligations».
Auparavant, le grand cadi, Said Mohamed Outhman a appelé à « accepter le choix de Farouata comme gouverneure», qui répond à « un plan pour que la femme occupe un poste à responsabilité à ce niveau». Pour lui, «Aujourd’hui c’est le jour où la femme comorienne a atteint sa maturité» et il a pleinement confiance en l’instinct maternel de la nouvelle gouverneure, à qui il souhaite une bonne réussite.
Pour rappel, le choix de la candidate, devenue gouverneure est le fait du chef de l’État, la place étant convoitée par des caciques de la CRC (Convention pour le renouveau de Comores) et des partis alliés de la Mouvance. Par ailleurs, la transparence et la crédibilité des élections présidentielles et goubernatoriales sont contestées. Par conséquent, si l’investiture d’une femme au poste de gouverneur réjouit les progressistes, suspicion et scepticisme demeurent quant aux conditions d’accès à cette magistrature et à la capacité d’habiter la fonction. Mais serait-elle si différente de ses prédécesseurs?