S’il y a bien un sujet dont aimerait bien entendre de nos «éminents» économistes, c’est sans doute celui ayant attrait au pouvoir d’achat des ménages et donc à la revalorisation des salaires dans un contexte de hausse généralisée des prix depuis 1994, année de la dernière dévaluation du franc comorien.
En effet au moment où les fonctionnaires, et pas seulement, réclament une revalorisation de leurs salaires, il nous parait important de nous demander sur les raisons de cette revendication. Est-elle légitime ou non ?
Si l’on accepte que le salaire est le revenu qui paie la force de travail, et que le salaire réel correspond toujours à une certaine quantité de marchandises et de services marchands, alors on peut légitimement se demander si le niveau de salaire des fonctionnaires comoriens en général, est de nature à répondre convenablement à cette exigence marxienne, qui consiste à permettre aux agents de renouveler leurs « force de travail ».
Dans l’entendement du comorien lambda en tout cas, le salaire est cette rémunération qui devrait permettre à celui qui le reçoit de pouvoir vivre convenablement afin de répondre aux exigences de son employeur (manger, pouvoir se déplacer pour venir travailler, se loger, se soigner pour être en bonne santé, etc….), mais également contribuer à l’épanouissement de sa vie, selon sa catégorie socioprofessionnelle et son niveau d’éducation. Par exemple, l’ouvrier pour se rendre dans son lieu de travail utilisera le taxi tandis que le cadre supérieur aura tendance à utiliser une voiture.
Ce postulat étant posé, il serait intéressant d’analyser ce tableau.
Il ressort de ce tableau que le fonctionnaire moyen (on va dire l’instituteur) affecté à Moroni, devrait pour vivre décemment, disposer de 6 500 FC par jour, soit en moyenne près de 200 000 FC mensuel.
A la lecture du tableau, on comprend aisément que notre fonctionnaire ne vit pas dans le luxe, il achète juste de quoi pouvoir vivre et se rendre dans son lieu de travail, ce que Marx a appelé « le renouvellement de la force de travail », juste de quoi entretenir le moteur. Il n’est pas inclus dedans, les frais de santé, de scolarité pour ses enfants (s’il en a) et autres engagements familiaux.
Alors c’est ainsi que le débat sur la valorisation du travail prend tout son sens. Un fonctionnaire qui gagne moins de 100.000 FC peut-il répondre parfaitement à ses obligations de travail ? Au fond à quoi doit servir un salaire ? Qui a parlé de hausse de salaire ? Ne s’agit-il pas ni plus ni moins d’un ajustement par rapport au coût de la vie ?
Ces questions méritent tout autant des réponses pertinentes de nos éminents économistes, car l’économie c’est aussi des chiffres, pas simplement la validation d’aide-mémoire du FMI ou encore de séminaire et autres ateliers ou la publication de rapports annuels, qui ne parlent jamais de la vie du comorien lambda.
Ces questions doivent aussi trouver réponses de la part de nos dirigeants, car diriger un pays, occuper des hautes fonctions de l’État, c’est savoir répondre aux besoins de sa population. Sinon, à quoi servent ces gros salaires versés à nos dirigeants s’ils sont incapables de répondre à nos interrogations, d’apporter des solutions viables à nos problèmes.
Le débat sur la revalorisation des salaires des fonctionnaires dans un contexte de morosité économique est certes difficile, mais il ne doit pas être occulté et laisser une frange de la population mourir sous nos yeux. Certes l’État n’a pas les moyens de répondre aux nombreux exigences que la population est en droit d’attendre de lui, mais il y a des problèmes qu’il se doit de trouver des solutions, et ce au plus vite, notamment celui de la vie chère.
A entendre certains, la masse salariale du pays a atteint des niveaux qu’il est impensable aujourd’hui de parler de revalorisation de salaires, même s’ils reconnaissent que les revendications des uns et des autres sont légitimes. Oui mais alors à quoi servirait alors un salaire qui ne pourrait pas satisfaire aux besoins primaires de celui qui travaille ?
De l’autre côté doit-on voir ce phénomène de la vie chère uniquement sur l’aspect pécuniaire de la chose, ne doit-on pas développer une autre forme de consommation, en privilégiant d’abord la consommation locale pour les ménages comoriens ? Sur cet aspect l’État ne devra-t-il pas, développer et subventionner le secteur agricole afin d’arriver à l’autosuffisance alimentaire ? Certains prix de produits de première nécessité doivent-ils attendre la période du ramadan pour être revus à la baisse ?
Par Said Ali Mfaoumé