Nous avons assisté ces derniers mois à un débat bien animé sur l’état de santé de l’ex-président Sambi. Tout a été souligné. Tout a été injurié. Tout a été prié. Tout a été amalgamé. Tout a été dit sauf une chose : les ‘’Conflits des espaces’’. Nous attendons par conflits des espaces, la confluence de l’espace mila na ntsi et l’espace État. Le mila na ntsi, est un nom composé de mila, qui signifie « coutume » et Ntsi qui signifie, « territoire ». Leur mise en commun donnerait, ‘’coutume et territoire’’ (Guébourg, 1994). La coutume c’est la manière dont des êtres humains se comportent, se conforment, se reconnaissent et interagissent. Elle peut, sur le plan juridique, devenir des lois que les usages quotidiens ont établies et conservées oralement par une longue tradition (Pothier, 2011). « La coutume n’émane pas de l’État, mais elle s’élabore de manière lente, spontanée et populaire sur un territoire donné ». Elle est créée par les gens, distribuée par le prêt-à-porter social pour ainsi fabriquer les avatars de leur propre identification. Dans le territoire France à partir de 1453, les usages, mœurs, us et coutumes furent utilisés dans l’ordonnance de Montil-le-Tour. La coutume orale devint dès lors l’émanation prodigieuse du ‘’droit écrit’’ qui remplaça au fur et à mesure le droit coutumier. Au XVIe siècle, on ne parle plus « d’usage de coutume » mais de « coutume ». Le divorce est absolument consommé. Le droit coutumier fut abandonné. Ferrière (1679) précise, « ce que nous observons quoique non rédiger par écrit est appelé usage, et lorsque cet usage a été rédigé par écrit, on l’appelle coutume ».
Dans la société comorienne, la notion de ‘’coutume orale’’ est fortement vivante. Elle sera appelée par Chouzour (1994), le ‘’pouvoir de l’honneur’’. Elle est une force symbolique incontournable qui règle les conflits et tisse des relations de quelle nature que ce soit. Mais, elle n’est pas règlementée. Elle souffre d’une culture normée. C’est pour cela qu’elle est en même temps une force imprévisible qui peut tout paralyser. L’exemple le plus poignant est la rencontre de la task force notabiliaire avec M. Said Hassane, les mois passés, lui demandant d’utiliser son influence sur le président Azali Assoumani pour qu’il autorise les soins spéciaux que l’ex-président A. A. Sambi auraient besoin. Une chose simple et fortement juridique. Une question politique torsade, à tort ou à raison, une question juridique. Les effets se prolongent sur les scènes coutumières. Ils ont accru les sentiments victimaires qui se fondent essentiellement sur un deal de compagne présidentielle, une reconnaissance de vote. Ce qu’il faut savoir, ces échelles politiques étaient fortement présentes à la période coloniale dans laquelle certains autochtones avaient le statut de pacificateur qui n’étaient autres choses que des corrupteurs, des arrangeurs de la cause coloniale. Dans cette période indépendante, les pacificateurs portent le boubou et l’écharpe traditionnels et manient allégrement la langue et la religion nationales. Ils peuvent avoir le « statut » de notable ou « gardien » de la tradition. Mais quid pour l’hégémonie de l’Etat moderne ?
Ismael Ali Abdoulbassur, Université de Poitiers