Le chef de l’État comorien a souhaité rencontrer la presse après le premier Conseil des ministres de son nouveau gouvernement. Chacun s’attendait à ce qu’il trace les grandes lignes de ce que sera son action dans les années à venir, particulièrement pour parvenir à l’émergence dans dix ans, mais il est resté très évasif. Par Ali Mbae
[ihc-hide-content ihc_mb_type=”show” ihc_mb_who=”2,3,4,5,6,9″ ihc_mb_template=”1″ ]
Les changements au niveau des responsables de la communication à Beit-Salam ont eu des conséquences sur le travail des journalistes. Il leur a été formellement interdit de filmer ou de faire des directs. Ils n’ont même pas eu le droit de prendre des photos. Une volonté, sans doute, de mieux contrôler l’image du chef de l’État, mais qui est préjudiciable au métier des journalistes et à l’information.
C’est dans une salle sous haut contrôle au palais de Beit-Salam que le président Azali Assoumani a tenu hier sa première conférence de presse depuis sa réélection mise en cause par ses opposants politiques qui continuent à parler de « putschélectoral ». Dès son entrée sur scène, il a d’abord adressé ses félicitations au jeune constitutionnaliste comorien Mohamed Rafsandjani qui vient de décrocher, en France,le prix Guy Carcassonne 2019 du club des juristes, récompensant le meilleur article constitutionnel lié à l’actualité française ou étrangère.
Kenneth et les 10%
Le locataire de Beit-Salam a enchainé ensuite en faisant un panorama sur l’actualité nationale et internationale de cette période de crise électorale.
Et sans surprise c’est le cyclone Kenneth qui a durement frappé l’archipel, il y a deux mois de cela,qui a ouvert le bal. Après les premières évaluations des dégâts, Azali Assoumani avait décidé seul et sans même chercher l’avis des parlementaires, et malgré aussi la contestation des syndicalistes, le prélèvement de 10% sur les salaires des fonctionnaires. Une affaire qui avait fait couler beaucoup d’encre. Certains journalistes avaient jugé cette mesure « illégale ». Pour la première fois, le président de la République s’est prononcé sur ce sujet : « C’est un exemple que nous avons voulu montrer à nos partenaires que si nous avions l’argent, nous n’allions pas demander de l’aide. En tout cas je m’engage personnellement à la transparence sur l’utilisation de cette somme. C’est l’ancien gouverneur de la banque centrale qui gère ce fonds. J’ai confiance en son professionnalisme » a-t-il indiqué.
Pour ce qui est des entreprises, « le FMI s’est engagé à débloquer150 millions de dollars pouraccompagner nos entreprises et réparé les dégâts de Kenneth » a-t-il dévoilé.
Les manifestations de la diaspora
Les manifestations hebdomadaires de la diaspora en France ont aussi été évoquées. Le moins que l’on peut dire c’est que le chef de l’État n’est pas disposé à prêterune oreille attentive aux revendications des manifestantsde la diaspora qui investissent chaque dimanche les places des grandes villes de France pour réclamer le rétablissement de l’ordre constitutionnel et l’État de droit, à commencer par l’organisation de nouvelles élections. « La diaspora est manipulée. La vraie diaspora, j’ai toujours échangé avec eux, même au moment où j’étais dans l’opposition. Ce sont des opposants qui manifestent en France et c’est de leur droit. Et ce n’est dans l’intérêt de personne de la diviser. Je vous rassure que certains partisans de CRC ont voulu monter leur section là-bas et j’ai refusé. Par contre j’aurais aimé qu’elle nous aide dans des questions comme celle de Mayotte, occupée illégalement par la France ” a-t-il balancé, droit dans ses bottes.
Le chef de l’État a également regretté le fait que « presque toutes les manœuvres de déstabilisation de notre pays proviennentde Mayotte ». Abordant les relations entre la France et les Comores, Azali Assoumani a déclaré « nous avons une relation obligée puisque notre cinquième île se trouve en France. Donc, nous préconisons le dialogue puisque nous n’avons pas de la force pour arracher notre île ».
L’interdiction des manifestations
S’agissant des prochaines législatives, le Président met fin aux espoirs de la diaspora de voir deux de leurs représentants siéger à l’Assemblée de l’Union : « les mesures ne sont pas encore prises. Des lois doivent d’abord être adoptées » a-t-il justifié. Quant aux manifestations organisées dans le pays par la société civile et le Conseil national de transition (CNT) et empêchées régulièrement par les forces de l’ordre, il rejette la faute aux anciens gouvernements : « Ce n’est pas moi qui ai empêché les gens de manifester en premier. Si je suis responsable, je ne suis pas coupable »a-t-il lancé faisant allusion à la note circulaire édictée en 2013 par l’ancien ministre de l’Intérieur Ahmed El-Barwane qui interdisait toute manifestation politique en dehors de la période des campagnes électorales. Cette note était régulièrement brandie par l’actuel ministre de l’Intérieur Mohamed Daoud pour justifier ses mesures de rétorsion contre l’opposition. Alors que cette note liberticidea été théoriquement abrogée l’année dernière, la situation sur le terrain n’a pas changé. Les forces de l’ordre chargent régulièrement des manifestants. Le président semble s’être appuyé sur ce texte pour justifier les interdictions de tenir des manifestations infligées aux opposants malgré son abrogation.
L’expert de l’ONU a manqué de respect à la nation
Interrogé à propos du communiqué de l’expert des Nations Unies envoyé pour enquêter sur les tortures et le respect des droits de l’homme, Azali Assoumani soutient que cet expert a manqué de respect à la nation et a souligné que les autorités comoriennes n’avaient rien à cacher. « S’il est autorisé à entrer dans la prison, pourquoi il ne serait autorisé d’aller chez Sambi. N’oubliez pas que Sambi est détenu chez lui, dans un logement octroyé par l’État. Il n’avait qu’à demander une autorisation » a-t-il sèchement répondu. Interrogé sur la cherté de la vie, le chef de l’État a donné une réponse pour le moins surprenante. Selon lui, il s’agit d’un bon signe. « Nous allons vers l’émergence. Et dans tous les pays émergents, la vie est toujours chère » s’est-il amusé.
Ainsi, ceux qui attendaient l’annonce d’une politique générale ou les lignes données à chaque ministre ont été déçus. Ce n’était pas l’objectif de cette conférence de presse.
[/ihc-hide-content]