L’incivisme est un comportement qui ne passe pas dans la culture komori. On le dit haut et sans ambages que la personne qui a failli aux principes du respect, du bon sens et de l’élégance publique, c’est quelqu’un sans éducation ou pire, c’est un abruti. On l’appelle mdrwadingoni (incivique). [ihc-hide-content ihc_mb_type=”show” ihc_mb_who=”2,3,4,5,6,9″ ihc_mb_template=”1″ ]
Le terme mdrwadingoni (littéralement: quelqu’un de derrière) est à la fois une accusation et une insulte. C’est l’antonyme du terme Mnatrengweni qui veut dire quelqu’un digne d’une assemblée, quelqu’un ayant normalement le bon sens du mieux vivre ensemble. Le mdrwadingoni se fait amalgamer dans le comportement en public et plus notoirement dans la façon de parler. Dans les circonstances où une personne se doit de donner des explications dans une assemblée, si son égo l’emporte sur le sens général, on lui dit de laisser tomber l’undrwadingoni qui l’anime (rantsi outrwadingoni). Il en est de même s’il arrive à ce que quelqu’un laisse la colère sortir des mots déplacés ou irrespectueux en public. La personne accusée d’undrwadingoni devient socialement diminuée et l’on s’efforce de lui accepter une once de respect. On lui doit de la pitié.
Pour éviter d’être traité de mdrwadingoni, l’on se devait de ne pas répondre à l’insulte par l’insulte, à l’agression par l’agression et on avait tendance à dire : je ne vais pas faire comme toi dans la mesure où je ne suis pas mdrwadingoni. Des personnes en conflits antagonistes en privé, sont contraintes de se saluer chaleureusement en public, éviter toute provocation et même avaler à grande gorgée leur violence pour ne pas paraitre wandrwadingoni. On feint alors l’hypocrisie, un pêché moins affligeant que undrwadingoni.
Au fil des temps, le concept undrwadingoni est devenu l’objet d’éducation à la citoyenneté, le but d’éviter le manquement au savoir-vivre et la nécessité de se conformer aux règles du mieux vivre ensemble. Il en va de soi que cela impacte la façon de s’habiller, la manière de se comporter et même la place qu’on doit revendiquer dans les assemblées. On a connu des situations où des alliances étaient défaites parce que le prétendant était qualifié de mdrwadingoni, ce qui était inacceptable dans le sens où les mariages étaient d’abord une question d’honneur et de respectabilité. Le problème, c’est que cela ne passe pas facilement, un mdrwadingoni le reste pour toujours d’où le combat de ne jamais l’être une seule fois dans la vie. Il suffit qu’un jour on ait la malchance de dire ce qu’il ne fallait pas, de faire ce qui n’était pas indiqué, de manquer aux principes du respect, de faire passer outrageusement ses propres intérêts et voilà qu’on est décrété mdrwandingoni.
D’autres interprétations désignent plusieurs sortes d’undrwadingoni par rapport au trengweni (assemblée). On parle de trois catégories facilement remarquables:
1)Mdrwadingoni-hushi. C’est la personne qui participe à une réunion publique et qui a la tendance de manifester son ennui ou son ras le bol jusqu’à demander qu’on arrête la réunion. On l’appelle ainsi pour lui signifier qu’une réunion ne peut être mise à terme avant que des décisions soient prises et que manifester publiquement son impatience, c’est une forme d’incivilité absurde. Le mot hushi provient du verbe urahushi qui veut dire exprimer un soulagement. Le mdrwadingoni-hushi dit en général, naritowe efatiha dingohi (lisons le fatiha pour finir).
2) Mdrwadingoni-mahanga. C’est la personne qui participe à la réunion mais qui ne retient rien de ce qui se dit. Elle ne suit pas les interventions des uns et des autres et son esprit est ailleurs. Elle n’est pas capable de raconter ce qui a été en discussion et n’en parlons pas de décisions prises. Ce qui l’intéresse, c’est la présence à la réunion et non l’objet de la réunion. On compare son cas à une corbeille qui ne peut jamais retenir la quantité de l’eau mais, seulement les apparences du liquide. Mahanga est le pluriel de kanga, une corbeille en feuilles de cocotiers tressées qui ne peut pas retenir l’eau.
3) Mdrwadingoni-gombe-mfukare. Il s’agit de quelqu’un qui a participé à la réunion et qui approuvé les décisions prises. Mais une fois dehors, il s’oppose aux décisions par l’influence de ceux qui n’ont pas participé. Pour dénoncer sa volte-face, on le fustige en termes d’une personne creuse et sans dignité. On ne le reproche pas de s’être opposé aux décisions mais, de ne l’avoir pas fait pendant la réunion, ce qui serait de son droit respectable. On va même jusqu’à l’accuser de se faire manipuler par sa femme sinon, il aurait dit ce qu’il avait pendant la réunion et non après le retour à la maison. Gombe mfukare, c’est pour dire que la personne est sept fois dépourvue de bon sens.
Être traité de Mdrwadingoni, c’est une insulte qui met à mal la personne en question. C’est aussi une accusation publique qui marque l’individu et non son groupe d’appartenance dans le sens où cela relève du comportement en public, d’une façon singularisée de paraître et du respect que l’on doit au mieux-vivre ensemble.
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Par Dini Nassur