En Une de Masiwa N°209 du mercredi 27 février, on pouvait lire «19 députés à la rescousse des «prisonniers politiques»». Des juristes s’expliquent sur l’article 81 portant convocation d’une session extraordinaire. Le doute quant à sa convocation est permis. Par BIM
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«Si elle passe, la proposition de loi portant sur l’amnistie des personnes condamnées par la cour de sûreté de l’État du 12 au 17 décembre 2018 devrait permettre auxdits prisonniers de recouvrer leur liberté.
L’ultime manœuvre pour la libération des prisonniers politiques. Au moins 19 députés ont signé une pétition demandant au président de l’assemblée nationale, l’ouverture d’une session extraordinaire en vue d’examiner la proposition de loi portant sur l’amnistie des personnes condamnées par la cour de sûreté de l’État du 12 au 17 décembre 2018. Si elle passe, avec l’infime espoir qui existe, elle devrait permettre aux prisonniers concernés de recouvrer leur liberté.»
Oui c’est l’initiative prise par les députés Oumouri, Msaidié et Soulaimana. Mais dire n’est pas faire, surtout dans la conjoncture politique actuelle. Pour mieux comprendre la situation, on s’est tourné vers des juristes, leur posant trois questions. Qui doit convoquer la session extraordinaire? Est-ce possible avec la suppléance? Les députés disposent-ils d’un moyen de l’imposer?
Me Moudjahidi Abdoulbastoi: «seul le président de cette institution est habilitée à convoquer les sessions du parlement».
Il est clair que ni le président de l’Union ni la majorité absolue de députés ne peut convoquer la session extraordinaire de l’Assemblée. Le président de la République n’a même pas la possibilité de convoquer les sessions ordinaires, celles-ci se réunissant de plein droit. Et si on regarde la configuration des rapports entre le législatif et l’exécutif, rapports qui interdisent toute possibilité de dissolution du parlement par le chef de l’État ou un impeachment sur initiative parlementaire, on dirait qu’en attendant la révision du règlement intérieur de l’assemblée, seul le président de cette institution est habilitée à convoquer les sessions du parlement.
Pour moi plus de possibilité que le président de la république interfère dans la convocation de l’Assemblée. Il peut tout simplement demander sa convocation
Comme peuvent le faire la majorité absolue des députés.
Maliza Said. La loi organique d’abord
Il devrait y avoir une personne pour penser stratégie. Ils ne leur restent que 6 mois. Mon problème est le suivant. La pseudo nouvelle constitution prévoit une loi organique portant sur l’assemblée nationale. J’en avais parlé dans mes précédents articles. Or cette loi n a jamais été adoptée. Il faut en plus une majorité des 2/3 pour une loi organique. A la place des députés, c est ce que je ferai…
Mais au-delà de la politique politicienne, cette assemblée n’aura rien produit de concret en terme de législation.
Abdourahmane Mohamed Ben Ali «Le président de l’assemblée ne peut se prévaloir de convoquer une session extraordinaire»
Cette disposition comme de nombreuses autres de la Constitution souffre d’un manque de précision. C’est toujours le flou bien entretenu. Il faut souligner que la disposition est la même que dans la version précédente de la Constitution. C’est une inspiration pour ne pas dire copie de l’article 29 de la Constitution française. Sauf que cette dernière précise bien que l’ouverture et la clôture d’une session extraordinaire se font par décret du président de la République. Mon avis sur cette question est que cet article 81 confie l’initiative de la session extraordinaire au président et à la majorité absolue des députés. Le mot demande employé ici désigne tout simplement initiative et non une sollicitation d’autorisation. Émanant du président, la demande se concrétisera par un décret de convocation de sa part et cela va de soi. Dans la même logique, si l’initiative vient des députés réunion de l’assemblée va aussi se faire sur convocation par décret. Une fois la majorité absolue des députés acquise, le président est obligé de convoquer l’Assemblée sinon ce serait une violation de la Constitution et un déni de démocratie. Le président de l’assemblée ne peut se prévaloir de convoquer une session extraordinaire suite à la demande de la majorité absolue des députés. Une petite réserve. Je n’ai pas lu le règlement intérieur de l’assemblée.
Yhoulam Athoumani «Le président-suppléant» ne peut ps convoquer la session extraordinaire
À la lecture de cette disposition, il n’y a que deux autorités qui peuvent provoquer la tenue d’une session extraordinaire. Cette tenue de la session extraordinaire est autorisée, soit à l’initiative du chef de l’État, soit à l’initiative de la majorité des députés. En réalité, la tenue de cette session extraordinaire est destinée à l’achèvement des missions de l’Assemblée. C’est donc logique que la constitution prévoie ce cas desdites sessions. Toutefois, une autre question se pose, celle de savoir si le président-suppléant, en cette période électorale, dispose de cette faculté de provoquer la tenue d’une session extraordinaire, en lieu et place du président de l’Union en congé ? La réponse est négative. On sait très bien que la suppléance se diffère de l’intérim, en ce sens que la première est largement limitée au motif que le président- suppléant est issu du président en congé, le second est provoqué à la suite de la décision de la Cour Suprême constatant l’impossibilité du président d’exercer ses fonctions. Il est donc clair que le président assurant l’intérim dispose de large pouvoir que le président assurant la suppléance. Or, à l’heure actuelle, on est plus dans l’intérim mais plutôt dans la suppléance. Ce disant, le président assurant la suppléance ne peut user de ce pouvoir découlant de l’article 81 de la constitution. Cette interdiction s’explique par le fait que la président-suppléant est là pour une raison très précise, assurer la gestion de la fonction présidentielle durant cette période électorale. Par-delà de cette interdiction, le président-suppléant ne peut avoir la même légitimité que le président en congé. Le premier est nommé par celui qui est en congé, tandis que le second est issu du peuple directement. Heureusement que l’article 81 autorise la tenue d’une session extraordinaire à l’initiative de la majorité des membres de l’Assemblée. Si aujourd’hui, les parlementaires constatent que des travaux ne sont pas achevés, ils n’ont qu’à demander la tenue de cette session extraordinaire. Qui est mieux placé pour savoir si les travaux du législateur sont ou non achevés ? En tout cas, de mon point de vue, ce sont les parlementaires qui sont en première position de le savoir.
La session ordinaire d’avril promet d’être animée et décisive.
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