Depuis deux décennies, les coupures d’électricité sont devenues fréquentes à Anjouan rendant pénible la vie de la population d’abord, mais aussi et surtout celle des petites entreprises précaires de l’île.
Par Naenmati Ibrahim
Les petites et moyennes entreprises qui ne bénéficient jamais du soutien de l’État central ni de celui de l’autorité insulaire souffrent des coupures intempestives de l’électricité à Anjouan. Pourtant, le concours de ces dernières est toujours vanté dans les cérémonies interminables et à l’allure de meeting de campagne. Signe d’une recherche de légitimité pour ces autorités qui mènent à longueur d’année en année avec l’argent du contribuable, puisé dans les sociétés de l’État, comme la Société Nationale d’Électricité des Comores (SONELEC), pour financer ces sorties cérémoniales dans une île où la pauvreté est flagrante. Les publics conviés dans ces cérémonies n’y répondent jamais favorablement et le plus souvent ce sont des individus obligés par ces autorités. Alors le plus souvent on ne voit que des individus qui n’ont aucun rapport avec l’entrepreneuriat. Ils sont des fonctionnaires ou des agents contractuels dont la présence est rendue obligatoire par les autorités.
Ils ne peuvent donc jamais se plaindre de la pénurie de carburant ou du dysfonctionnement technique lié à la gestion de l’électricité.
L’échec de l’entrepreneuriat à Anjouan par défaut de sécurisation énergétique
Ils sont nombreux les petits commerces et les petites structures qui se retrouvent dans l’embarras à cause de cette situation. Les menuisiers qui travaillent sous commande se plaignent que leur travail n’avance pas. Les petits commerçants sont soucieux de ne pas pouvoir vendre certains de leurs produits comme le poulet et la viande importés. Ces produits sont pour eux une source de bon revenu et constituent leurs meilleures ventes. Les clients sont de moins en moins enclins à en acheter en raison du courant qui n’est pas régulier, rendant les aliments malsains. Ils préfèrent consommer du poisson frais, malgré sa cherté et la rareté en matière financière pour une population qui plonge de plus en plus dans la pauvreté.
Même les revendeurs de poisson ne sont pas épargnés par le problème de l’électricité. Parfois leurs poissons pourrissent dans les réfrigérateurs. Le plus triste, c’est que ces poissonniers, pour ne pas subir de pertes, vendent leurs poissons aux clients vulnérables en matière de revenus, tout en sachant qu’ils ne sont plus comestibles.
On retrouve également la vente de poissons congelés. Souvent c’est tôt le matin que de tels produits arrivent dans les localités. Pour ne pas avoir à acheter du poisson en mauvais état, beaucoup de clients préfèrent attendre l’après-midi ou le soir.
À la longue, les délestages sont devenus une routine
À Anjouan, il y a ce qu’on appelle les « délais stages » ce qui signifie qu’on donne le courant tour à tour dans les communes. L’envoi général de l’électricité dans toute l’île est de sept heures de temps pendant la journée et pour la soirée, cela se fera par tour de rôle. L’envoi débute vers huit heures du matin et la coupure sera vers 14 heures. Dans la soirée l’envoi se fait vers 17 heures et l’arrêt intervient à minuit pour ceux dont ce n’est pas encore leur tour d’être desservis par le courant. Ils devront alors attendre le jour suivant vers huit 8 pour retrouver l’électricité dans leur foyer ou dans leur lieu de travail.
Cette situation accule la population, condamnée à passer des nuits dans le noir tout en se procurant d’autres moyens individuels pour s’éclairer et se nourrir. Pour les usagers cela perturbe leurs travaux au quotidien, car tout se fait sentir au ralenti. Surtout que même pendant les heures où l’on envoie l’électricité, plusieurs coupures intermittentes interviennent, ce qui gêne le cours quotidien de la vie de la population.
Pourtant, des factures à payer…et la peur d’avoir du matériel endommagé
Malgré les coupures et les délestages, les factures arrivent et les petites entreprises sont obligées de les payer. Le problème, c’est que pour ceux dont l’électricité est une ressource de travail, il est difficile d’avoir les revenus essentiels.
Certains s’inquiètent même de voir leurs accessoires électroménagers tomber en panne à cause de ces coupures. Ils sont particulièrement inquiets pour les téléviseurs que les enfants ne peuvent pas s’empêcher d’allumer à chaque retour du courant.
Le problème du courant n’est pas un fait nouveau aux Comores. Cela existe depuis longtemps, le remède se fait encore attendre. Depuis son retour au pouvoir, le président Azali Assoumani a toujours clamé qu’il allait trouver une solution au problème de l’électricité. Sept ans plus tard, c’est toujours le même problème.
Cette situation illustre les conditions de vie de la population aux Comores. Elle explique la pauvreté qui domine dans le pays.
Une incompétence de la Sonelec soutenue par le pouvoir
Malgré les crises qui frappent la Sonelec, son Directeur occupe confortablement le poste. Cela s’apparente donc à une responsabilité partagée. Ou peut-être que cet état de fait atteste en partie la condition d’un pays pauvre en matière de technostructure. N’ayant pas la possibilité de manifester, la population n’a pas la possibilité de mettre la pression sur le pouvoir afin de demander l’amélioration de son quotidien ou l’amélioration de l’accès à l’électricité.
Le régime autoritaire en place ne permet pas aux Comoriens de vouloir se libérer de leurs chaînes. La population ne fait donc que subir. En tout cas, il est fort probable qu’on ne puisse voir une amélioration concernant la question de l’électricité à Anjouan, le gouvernement ne faisant aucune annonce tendant à rassurer la population.
Un besoin dont on a appris à s’en passer
L’électricité fait partie des choses qui permettent l’épanouissement de la vie de l’homme et permettent le développement dans un pays. Il est donc nécessaire d’avoir du courant.
Beaucoup pour pouvoir travailler dans la sérénité utilisent l’énergie solaire. Les plus aisés financièrement se sont équipés de panneaux solaires pour ne plus avoir à supporter les coupures fréquentes du courant. Cette démarche gagne toute l’île. Les gens épargnent pour pouvoir se doter du matériel et s’assurer une autonomie énergétique. Il s’agit là d’apprendre à se passer de la fourniture d’électricité dont le gouvernement est censé organiser la distribution.
On ne saurait dire jusqu’où ces initiatives privées aboutiront. Ce qui est certain, si la tendance est reprise par la majeure partie de la population, c’est la société qui court à sa perte. Le gouvernement ne semble pas s’inquiéter de cette hypothèse.
Dans certains foyers, on peut aussi entendre le bruit des générateurs pendant les délestages. Mais le souci avec ce dispositif dépendant du carburant, c’est que parfois la pénurie des hydrocarbures se fait ressentir sur l’île.